L’intervention de notre camarade Denis au meeting organisé par United Against Fascism à Londres mardi 2 Mai 2017
Je voudrais commencer par saluer les 30 000 manifestantEs de Londres du 18 mars dernier contre le racisme et l’islamophobie, comme ceux et celles de Dublin, Glasgow, Athènes ou Vienne. Mais saluer aussi les dizaines de milliers de manifestantEs de Cologne contre le Congrès de l’AfD et les centaines de milliers de Barcelone qui ont manifesté en février en solidarité avec les migrantEs.
Parce que, si je suis ici pour parler de la France, sachez que chaque démonstration de solidarité, chaque manifestation contre le racisme et le fascisme renforce notre détermination et notre courage. Et parce que la solidarité internationale est déjà l’opposé du fascisme.
Mais je voudrais aussi vous apporter les salutations de ceux et celles que vous verrez rarement dans les médias dominants quand il s’agit de la France, les milliers, principalement des jeunes, qui ont manifesté contre les meetings du FN pendant la campagne, à Bordeaux, Nantes, Bayonne, Ajaccio, Paris…, les 15 000 manifestantEs du 19 mars contre le racisme et les violences policières à Paris, les lyceénNEs de différentes villes qui ont bloqué leurs lycées la semaine dernière contre Le Pen et contre Macron et les 200 000 syndicalistes, antiracistes, antifascistes qui ont défilé hier pour le 1er mai dans toute la France contre le FN et pour la justice sociale.
Pourquoi ?
Et pourtant, malgré cela, Marine Le Pen a gagné près de 8 millions de voix au premier tour des élections présidentielles.
Disons d’abord que ce n’est une surprise que pour les hypocrites qui se découvrent soudain, comme Macron et pour combien de temps ?, antifascistes.
Sachez-le, la situation est bien plus grave que ce que vous pensez. Le Front National est arrivé en tête lors des deux dernières élections qui ont eu lieu en France, les Européennes et les Régionales. Il a des centaines de conseillers locaux, municipaux et régionaux, 2 députés déjà au parlement et la première délégation française au parlement européen. D’élections en élections les FN a « stabilisé » un électorat de millions de voix et commencé à reconstruire un appareil militant, à s’implanter dans les institutions.
Il y a trois raisons à cette progression qui nous disent aussi des choses sur comment on devrait la combattre.
La première ce sont les politiques menées, aussi bien par des gouvernements de droite et des gouvernements dits de gauche, contre les travailleurs et les travailleuses, les chômeurs, précaires, les retraitéEs, les habitantEs des quartiers populaires. Ces politiques ont désespéré une majorité de la population. C’est d’ailleurs ce type de politique que nous annonce Macron.
La seconde, c’est que les mêmes, de droite comme de gauche, ont donné de la légitimité au FN par des politiques et des discours de plus en plus racistes et autoritaires, visant en priorité les migrantEs, les Rroms et les MusulmanEs.
Imaginez que, durant cette campagne, même un candidat comme Jean-Luc Mélenchon, caractérisé comme de « gauche radicale » est allé sur ce terrain. Quand Marine Le Pen a planifié une provocation médiatisée à Beyrouth en demandant à rencontrer le Grand Mufti et refusant, finalement l’entrevue parce qu’elle devait mettre un foulard, Jean-Luc Mélenchon lui a apporté son soutien. Et, pendant sa campagne Il a déclaré que la France n’était pas en capacité d’accueillir tous les réfugiéEs disant que la solution c’était qu’ils et elles « restent chez eux » !
Lors de son meeting à Marseille, Marine Le Pen a ainsi pu déclarer que la bataille idéologique a été gagnée et qu’il s’agissait, pour le FN de gagner maintenant la bataille politique. Pour illustrer cela elle a cité les meetings de la France Insoumise où « les drapeaux bleu-blanc-rouge ont remplacé le drapeau rouge ».
En fin, la troisième raison c’est que, depuis 10 ans, toute la gauche, gauche anticapitaliste comprise, a abandonné le combat direct contre le FN faisant accepter l’idée que le Front national n’était plus fasciste et niant, publiquement, l’idée qu’il pouvait exister un danger fasciste en France.
Disons le clairement. Le Front national n’a pas changé. Si vous en voulez une seule preuve, elle est donnée par des personnes qui connaissent bien le Front national et ses membres. Il y a quelques jours, un des candidats, qui a fait un peu plus de 4% au premier tour, politicien nationaliste, raciste et réactionnaire a décidé de s’allier avec Marine Le Pen. Certains de se lieutenants l’ont dénoncé en déclarant qu’ils connaissaient très bien la réalité du Front National et ne pouvaient cautionner cela.
Comment faire ?
Comment faire ? Partout la question est posée, allez-vous voter Macron au second tour ? Mais la réelle question est plutôt : « Allez-vous vous battre contre le fascisme ? ».
La première tâche, urgente, n’est pas d’argumenter pour qu’il y ait plus de voix pour Macron mais le moins de voix possibles pour Le Pen.
Car chaque voix supplémentaire pour le FN est un pas de plus vers un parti fasciste, un peu plus de confiance encore pour les racistes, les islamophobes, plus de confiance et de violence chez les flics et plus de probabilités d’aller vers des violences extra-institutionnelles aussi contre les migrantEs, les pédés et les gouines, les MusulmanEs, les activistes.
Quoi qu’il arrive le danger fasciste sera toujours là au soir du 7 mai et ce ne sera pas tout à fait la même situation si des millions supplémentaires se sont mis à voter pour un parti fasciste… ou pas.
A ceux et celles qui nous exhortent aujourd’hui à voter Macron et qui nous font la morale, nous disons d’abord : mais où étiez-vous quand nous vous alertions sur le danger, quand nous vous appelions à manifester le 19 mars contre le racisme ? Où étiez-vous quand nous vous appelions à venir manifester contre les meetings du FN, à empêcher qu’il s’implante dans nos quartiers ?
Mais nous disons aussi : vous venez de prendre conscience qu’il y a un danger ? Alors bienvenue, organisons-nous pour faire, réellement, barrage au FN, ne pas lui laisser d’espace, cette semaine, mais aussi la semaine prochaine et les suivantes, recouvrir ses affiches pendant la prochaine campagne des législatives, manifester contre ses meetings, se mobiliser, quartier après quartier, contre ses distributions de tracts.
Organisons-nous aussi pour ne pas laisser le racisme gangréner nos milieux, pour nous unir dans la lutte contre l’islamophobie, aux côtés des migrantEs et sans-papiers, contre les violences policières.
Comme en 2002 avec Chirac, l’appel à voter Macron est dangereux. Paradoxalement il participe à légitimer le Front National en le présentant non comme un ennemi à supprimer mais comme un adversaire sur la scène électorale . Et dans le meilleur des cas il se justifie comme suit : « jusqu’au 7 mai on combat Le Pen (avec le vote Macron) et le 8 mai on combat Macron ».
Comme si la victoire de Macron signifiait la fin de Le Pen et du FN, ou, du moins, la fin de la nécessité d’un combat spécifique contre le FN. Alors que Marine Le Pen aura peut-être gagné 10 millions de voix tout en perdant au second tour ?
Le gouvernement Macron sera le gouvernement le plus instable depuis la naissance de la Vè République. Il a déjà annoncé qu’il gouvernerait par ordonnances. Rappelant les types de gouvernements qui se sont succédés dans les dernières années de la République de Weimar en Allemagne et qui ont conduit à Hitler.
Rien n’est perdu
Les confrontations sont à venir qui nous dresseront contre l’avancée du danger fasciste. Contre les attaques sociales, pour défendre des emplois, la santé, le logement. Celles qui nous opposeront à la police. Celles qui nous jetteront aux côtés des migrantEs, des Rroms, des MusulmanEs, des jeunes des quartiers. Celles qui nous dresseront contre les fascistes et leurs tentatives d’imposer leur « ordre » dans nos vies, dans nos quartiers.
La France n’est pas devenue fasciste. Elle est polarisée. Nous sommes nombreux et nombreuses à n’avoir pas voté pour le FN. Plus de 17 millions n’ont pas voté (abstensions, blancs et nuls, non-inscritEs, étrangerEs) et 10 millions ont voté « à gauche ».
Il était dit dans les années 30 que le fascisme était constitué de poussière humaine, agrégeant des intérêts divers et parfois contradictoires derrière un chef et des haines : de l’étranger, du « déviant », du « rouge »…
Cela n’est vrai que si se constitue contre lui un bloc uni, capable alors de le désagréger.
Il y a urgence. Il n’est plus temps pour personne, voulant prévenir le danger fasciste, de déléguer à qui que ce soit d’autre la nécessité de se lever et de mener le combat.
Comme le dit le slogan « Tout le monde déteste le FN ». Faisons-en une réalité.
Denis Godard, le 2 Mais 2017