Comme lors des actes précédents, l’acte 3 de la marche des solidarités a été mobilisé et organisé localement dans le 20ème arrondissement de Paris par le CSP20 (Collectif des Sans-Papiers du 20ème arrondissement de Paris) et autour de lui. Quatre grandes marches de sans-papiers sont parties de Marseille et Montpellier (le 19/09), Rennes, Lille et Strasbourg (les 3 villes à la même date, le 3/10) pour converger à Paris le 17/10. La marche partie de l’est de la France est entrée dans Paris le matin du 17 octobre, accueillie par un cortège de 1000 sans-papiers du CSP20 et du CSP Montreuil et soutiens.
Autonomie des sans-papiers
Le CSP20 a été créé au moment de la lutte du foyer de travailleurs immigrés des Amandiers en 2017, un des sept foyers de l’arrondissement que les bailleurs et l’État laissent délibérément se dégrader pour les transformer en résidences sociales dans le but d’étouffer tout système de solidarité et par la même occasion de remplacer les habitants par d’autres catégories de la population. C’est de la rencontre entre des habitants sans-papiers des foyers et les militant.e.s venu.e.s en soutien que naît l’idée d’un collectif autonome pouvant compter sur le soutien du Collectif Vingtième Solidaire avec tout.e.s les migrant.e.s, crée en 2015
Ce collectif est composé de plusieurs centaines de membres et se réunit chaque semaine. Ses réunions sont toutes traduites en plusieurs langues (Français, Soninké, Bambara, Peul,…) pour permettre la participation de tou.te.s. Il apporte des réponses collectives aux difficultés rencontrées, offre la protection d’un collectif de lutte et d’avocats. Il participe activement à la marche des solidarités depuis 2016 pour lutter contre le racisme, l’islamophobie, les violences policières et pour les droits des sans-papiers, la vérité et la justice pour les familles de victimes de violences policières.
Les sans-papiers ouvrent la voie
L’acte 3 fait suite aux mobilisations du 30 mai où les collectifs de sans-papiers ont rétabli le droit de manifester et du 20 juin quand sans-papiers et soutiens étaient 50000 à Paris et des milliers partout en France. Lors du confinement démarré imposé dès le 17 mars 2020,les membres du CSP20, mobilisés avec 20ème solidaire avec tou.te.s les migrant.e.s au sein de l’Assemblée antiraciste du 20ème, sont restés constamment organisés. Notamment avec des réunions téléphoniques dès les premiers jours du confinement, lors desquelles les sans-papiers ont rapidement alerté les autres collectifs de leur situation ; de nombreux licenciements sans accès aux aides financières de l’état par des patrons qui semblaient soudainement découvrir le travail sous alias, des bailleurs qui abandonnent les foyers et les résidents sans aucune aide sanitaire en fermant l’accès aux pièces communes laissant ainsi la plupart des chambres surpeuplées sans moyen d’en sortir, le redoublement des contrôles d’identité sous prétexte de vérifier les attestations. Pour engager la lutte, des actions ont été menées face aux expulsions de familles d’un hôtel du 20ème et un texte « quand si ce n’est maintenant » de l’Assemblée antiraciste du 20ème a été transmis à la Marche des Solidarités qui a aussi alors repris ses réunions permettant la préparation des grandes mobilisations du 30 mai.
Un contexte qui permettait aux sans-papiers d’entrevoir une possibilité de régularisation car à l’échelle européen des États ont fait le choix politique de régulariser les sans-papiers, au niveau local des pétitions en faveurs d’une régularisation ont été largement suivies, une multiplication d’articles dans les journaux faisant référence à une régularisation globale, plus d’une centaine de députés de l’Assemblée Nationale ont porté cette revendication principale de régularisation. Certes ces initiatives arrivent dans le contexte de la pandémie, mais dans ces circonstances l’espoir d’une régularisation globale s’est répandu auprès des sans-papiers.
Dans le 20ème arrondissement, les liens entre le CSP20, 20ème solidaire avec tou.te.s les migrant.e.s et le collectif Vie Volées, créé en 2010 par la famille de Lamine Dieng tué par des policiers du commissariat du 20ème arrondissement ont été créés lors de mobilisations antiracistes locales. Ces collectifs ont permis la convergence entre sans-papiers et familles de victimes de violences policières le 20 juin quelques jours après les rassemblements appelés par le comité Adama Traoré en mémoire à Adama et en échos aux mobilisations qui ont suivi l’assassinant de Georges Floyd aux États-Unis après le 3 juin et l’immense rassemblement devant le TGI de Paris.
La mobilisation des premiers concernés
20 membres du CSP20, avec d’autres camarades de la CSP 75 et du CSP Montreuil entre autres, ont pris part à cette marche nationale, rejoignant les départs de Montpellier, Marseille Grenoble et Lyon pour y rencontrer des sans-papiers et soutiens de toute la France. Ces rencontres ont permis aujourd’hui aux sans-papiers de plusieurs villes d’organiser de nouveaux collectifs de lutte et de renforcer ceux existants.
Les membres du CSP20 restés à Paris ont participé à la coordination nationale de la Marche des Solidarités pour suivre les discussions menées avec l’ensemble des organisations impliquées dans cette marche de plus de 80 étapes. Le collectif a également apporté un soutien financier considérable en partageant un don de tickets services reçus durant le premier confinement aidant les marcheur.ses à financer leurs dépenses quotidiennes.
Dans les quartiers du 20ème arrondissement de Paris, les membres du CSP20 ont organisé des diffusions de tracts et des porte-à-porte dans six des sept foyers de travailleurs pour mobiliser tou.te.s les sans-papiers et ont animé des assemblées générales dans les foyers où des pièces communes le permettaient. Ils ont aussi réalisé des actions de mobilisation dans des foyers des 11ème, 13ème, 14ème, 18ème et 19ème arrondissements où ont émergé de petits groupes de sans-papiers motivés à s’organiser, un climat favorable à l’émergence de collectif qui reste fragile mais pas impossible dans la mesure où un accompagnement dans le processus est réalisé par des membres du CSP20 et ses soutiens.
La mobilisation locale
Au sein de l’Assemblée antiraciste du 20ème, le CSP20 a organisé un week-end antiraciste les 25, 26 et 27 septembre autour de déambulations, débats avec les organisations locales (Nogozon, FASTI, Collectif Pour l’Avenir des Foyers, La Perm’ Belleville, 20ème solidaire avec tou.te.s les migrant.e.s, Autremonde, à bas les CRA), soirée, concerts et assemblée permettant notamment la collecte de 1100€ pour la marche nationale des sans-papiers. Ce week-end a aussi permis plus tard, le lendemain de la manifestation nationale, d’organiser une assemblée générale des sans-papiers, regroupant tous les collectifs de sans-papiers impliqués dans l’organisation de l’acte 3, à la Flèche d’Or dans le 20ème arrondissement. C’est lors de cette assemblée que les collectifs de sans-papiers ont choisi leurs prochaines actions communes et nationales avec par exemple l’organisation de marches partout en France pour la journée internationale des migrant.e.s, acte 4 de la marche des solidarités le 18/12.
A l’initiative du CSP20 et 20ème Solidaire avec tout.e.s les migrant.e.s, un appel unitaire a été lancé à l’ensemble des associations, collectifs, organisations syndicales et politiques du 20ème – notamment les signataires de l’appel des sans-papiers – et à toutes les personnes révoltées par la situation pour mener collectivement une campagne de sensibilisation et de mobilisation en direction à la fois des sans-papiers et de l’ensemble des habitants du 20ème pour faire du 17 octobre une marée humaine balayant la surdité et la cécité du gouvernement Macron face aux revendications légitimes des sans-papiers. Dès lors le CSP20 moteur dans cette campagne a initié avec le réseau de soutien du porte à porte dans les foyers suivies d’assemblées générales de mobilisation quand ces dernières étaient possibles, des diffusions de tracts, des collages d’affiches, des déambulations dans les quartiers de l’arrondissement, une prise de place visible par le nombre et matériel militant rendant ainsi possible une large diffusion de tracts, des discussions avec les habitant.e.s et passant.e.s.
La meilleure organisation c’est la lutte
Le 17 octobre, porte de Montreuil, les CSP 20 et CSP Montreuil accueillent la marche partie de Strasbourg le 3 octobre avec un cortège de 1000 personnes et parcourent ensemble les quartiers de l’arrondissement pour marcher jusqu’à la place de la république et rejoindre les marches du Nord, de l’Ouest et du Sud-Est. Cette action commune aux collectifs des sans-papiers du 20ème arrondissement et de Montreuil permet elle aussi d’en envisager rapidement d’autres.
L’enjeu est que les mobilisations antiracistes partent de la réalité concrète des quartiers de l’arrondissement autour des collectifs de terrain et de lutte comme le CSP20 en participant déjà activement à la construction de l’acte 4 de la marche des solidarités et notamment du 18 décembre à Paris et partout en France. Des collectifs s’organisent contre l’islamophobie pour lutter notamment dans le 20ème arrondissement suite aux 400 dénonciations d’élèves aux autorités dont plusieurs dans des établissements scolaires de l’arrondissement. D’autres collectifs sont depuis longtemps organisés pour lutter contre les violences policières dans les quartiers. Cet antiracisme sera mené par les collectifs des quartiers populaires pour partir des luttes locales et garder leur autonomie vis-à-vis des institutions et des chefs autoproclamés.
Mathieu et Meriem