Système pénal, un débat féministe (2/2)

Comme nous l’avons déjà abordé dans la première partie de cet article, la prison, ainsi que le système judiciaire et pénal, ne servent pas les intérêts de notre classe. Le système pénal a été créé par la bourgeoisie comme instrument de garantie du droit à la propriété privée. Ce système nourrit idéologiquement la peur existante parmi les plus aisé·es, et exerce un contrôle social sur les populations moins favorisées avec le but de neutraliser toutes possibilités de révolte et d’organisation révolutionnaire parmi celles et ceux les plus exploité·es. Selon le juriste marxiste russe Evgueny Pachoukanis1Teoria geral do direito e marxismo, Evguiéni B. Pachukanis, ed. Boitempo, 2017. (qui a été exécuté pendant la période stalinienne), le droit fait partie de la superstructure qui organise le mode de production capitaliste. Le droit comme on le connaît aujourd’hui est un garant des intérêts de l’ordre de l’État capitaliste. 

Les Cahiers d’A2C  #05 – NOVEMBRE 2022

Les théories de la peine sur lesquelles repose le droit pénal, ou droit de punir, attribuent trois fonctions aux peines :

  1. La dissuasion : « Les peines dissuadent les individus de commettre des infractions ou d’en commettre des nouvelles » ; 
  2. La rétribution : « Les infractions « méritent » d’être punies » ; 
  3. La réhabilitation : « Les peines permettent aux personnes condamnées de s’amender ». 

Ce sont les objectifs auxquels le procès pénal est censé répondre pour toutes sortes de délits, infractions ou crimes. La champ d’étude qui cherche à faire une analyse critique de l’impact du système pénal dans la société est la criminologie critique. Elle s’est développée à partir de la fin des années 1960 aux États-Unis et en Europe. Cette appellation, très large, désigne en fait diverses approches, dont la criminologie féministe, la criminologie queer, les courants marxistes de la criminologie, ou encore la zémiologie2Zémiologie : repose sur une critique du « crime » en tant qu’objet de la criminologie. Elle étudie toutes les formes de « nuisances sociales », comme le suggère son nom : zemia signifie « préjudice », « dommage » en grèc ancien.. Ces courants partagent une aspiration à plus de justice sociale et s’appuient sur la critique de la catégorie de « crime », qui est mise en perspective avec différents types de rapports de domination. La criminologie critique a beaucoup contribué à l’analyse du rôle du capitalisme et des politiques néolibérales dans le développement du système pénal. 

Mais est-ce que le système de justice peut servir à défendre les intérêts des femmes et des minorités de genre victimes de violences ? « Et les violeurs, qu’est-ce qu’on fait des violeurs ? » – On nous le demande souvent lorsque nous essayons de mettre en lumière les contradictions et les limites du système judiciaire et pénal. Cette question, qui peut être posée de manière bienveillante et naïve (ou pas), fréquemment posée par des hommes cis (mais pas que), démontre une méconnaissance gigantesque de ce qu’est la réalité du viol pour la grande majorité des victimes. 

Les violeurs sont parmi nous 

La société de manière générale et malheureusement aussi notre camp de gauche, portent encore une idée très caricaturale à propos du viol. Ce serait un acte commis par un homme abominable qui se cache dans l’obscurité de la nuit, et qui saute de nulle part sur une femme sans défense qui va crier beaucoup pour démontrer qu’elle ne veut pas de ça et prouver sa place de bonne victime. On ne peut pas dire que ce type de situation n’arrive jamais. Les violences faites aux femmes, aux minorités de genre et aux enfants, arrivent dans des contextes les plus vastes. Mais cette caricature là ne représente pas la majorité des cas. Des recherches3

Étude nationale de la délégation aux victimes sur les morts violentes au sein du couple (2017) :

• Chaque année en France, 93 000 femmes déclarent avoir été victimes de viol ou tentative de viol. Dans 90 % des cas, la victime connaît son agresseur.

• Chaque année en France, 225 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles au sein du couple.

• En 2017, environ 1 million de femmes ont été confrontées au moins une fois à une situation de harcèlement sexuel au travail ou dans les espaces publics.

• En 2017, 109 femmes et 16 hommes sont décédés, victimes de leurs partenaires ou ex-partenaires. Une femme meurt en moyenne tous les trois jours et un homme tous les 23 jours.

montrent que la grande majorité des personnes qui subissent un viol le subissent par quelqu’un·e qui iels connaissent, quelqu’un·e de proche, souvent très proche comme un parent, un oncle, un frère, un copain, un époux, un prof, un médecin, un prêtre, un ami, un… et pas seulement un4Des femmes aussi commettent des viols et d’autres types d’agressions sexuelles.

Les mécanismes de domination mis en place par les violeurs ne sont pas seulement des armes ou même de la force. Quand on écoute les récits des personnes victimes, on peut percevoir plusieurs stratégies d’emprise comme de la violence psychologique, de la domination financière et patrimoniale, l’utilisation des positions de pouvoir et de pléthore de stratégies de manipulation. Les faits sont là pour démontrer que, la plupart du temps, les victimes gardent le silence par honte et/ou par peur que les auteurs de violences font porter sur elles. En supplément, il existe aussi une forme de complaisance de l’entourage et de toute une culture, un système, une structure très ancienne et très ancrée dans la société qui socialise de manière différente les hommes et les femmes (ainsi désigné·es à la naissance). Cette structure est connue sous le nom de patriarcat. Il existe des années de théorie féministe qui démontrent les différents mécanismes de domination patriarcale.

Les violeurs sont parmi nous. La majorité des femmes connaît quelqu’un·e qui a été violé·e ou sont elles-mêmes victimes d’un ou de plusieurs viols. Une partie des personnes violées sont parfois obligées de continuer à voir la personne qui les ont agressée car ces hommes5Des femmes aussi commettent des viols et d’autres types d’agressions sexuelles font partie de leur vie. Comme nous l’avons déjà vu, ils sont à la maison, à l’école, au travail… Ils ne sont pas majoritairement en prison. Une partie importante des personnes victimes de ce type de violence ne portent pas plainte6Moins de 10 % des victimes de violences sexuelles et sexistes déposeraient plainte, selon l’enquête de victimisation « Cadre de vie et de sécurité », dite « CVS » sur la période 2009-2017. car elles n’ont pas confiance dans le système dit de justice ou parce qu’elles ont honte, ont peur, ne veulent pas que leur entourage soit au courant, ne veulent pas que leurs proches souffrent, ne veulent pas la double peine, ou parce qu’elles sont dépendantes économiquement de l’agresseur. Mais il peut y avoir pleins d’autres raisons.

L’échec de la stratégie judiciaire : une justice de classe punitive et sourde aux besoins de la victime 

Marlène Schiappa, secrétaire d’État et responsable du pôle « égalité hommes-femmes » de La République en marche, incite les femmes à dénoncer les violences, à aller dans un commissariat et à porter plainte. Cependant celles et ceux qui ont déjà été dans un commissariat pour porter plainte ou accompagner quelqu’un·e qui veut le faire savent que les démarches ne sont pas si simples. En 2021, le hashtag #DoublePeine a pris une énorme ampleur sur les réseaux sociaux accompagnant de nombreux témoignages des victimes de violences sexistes et sexuelles qui dénoncent le traitement subi au moment de leur dépôt de plainte. 

Nous sommes obligées de dire à celleux qui nous demandent qu’est-ce qu’on fait des violeurs qu’ils sont sûrement vos potes, vos camarades, vos proches, vous-même. Et on doit se demander si la responsabilité sur ce qu’on fait d’eux doit être déléguée à l’État et à un système qui n’est pas là pour nous soutenir, ni pour nous rendre justice. Les personnes qui arrivent à accéder au système de justice ont souvent un récit de déception par rapport à la prise en charge de leurs besoins. Il ne faut pas oublier que le recours au pénal reste inaccessible à une grande partie de la société, des personnes qui ne sont pas reconnues en tant que citoyen·nes ou sujets de droit, soit du fait qu’iels n’ont pas de papiers ou pas assez d’argent, ou assez de capital culturel pour accéder au système juridique. Les pratiques très courantes de contrôles aux faciès nous démontrent qu’il existe des personnes déjà perçues par le système judiciaire (dont les flics font partie) comme « coupables » et/ou plus susceptibles de commettre des crimes, comme par exemple, des habitant·es d’une zone de trafic de stupéfiants et/ou racisé·es et des personnes roms ou issues des communautés tziganes. 

En plus du fait qu’il soit très coûteux, ce système reste très encadré dans une logique de punition et de réparation financière. Il ne met pas en place un cadre d’écoute pour la compréhension des besoins des victimes, ni un cadre qui puisse favoriser la remise en question et le parcours de transformation des agresseurs. La prise en charge de toutes sortes de violences sexistes et sexuelles, dans un environnement accueillant et bienveillant, réalisé par des personnes bien formées et capables de mettre en place des protocoles de protection et de mise à distance des agresseurs, sans que la victime soit pénalisée, n’est pas à l’ordre du jour. La structure sociale et collective qui engendre ces violences n’est jamais mise en question ou même considérée dans un parcours pénal. 

Une stratégie inefficace dont le coût social est porté principalement par les femmes 

« L’ampleur des violences faites aux femmes et l’insatisfaction des victimes (y compris lorsque le préjudice sexuel qu’elles ont subi a été traité pénalement) indiquent un échec de la stratégie judiciaire à laquelle recourt l’essentiel des mouvements féministes depuis maintenant plusieurs décennies. L’arme du droit n’apparaît pas la plus efficace pour affronter le patriarcat. Par ailleurs, le système pénal est un dispositif d’État, donc il est irréaliste d’en espérer une forme d’émancipation. » 7Pour elles toutes – Femmes contre la prison, Gwenola Ricordeau, éd. Lux, 2019.

Dans son livre Pour elles toutes – Femmes contre la prison, Gwenola Ricordeau, chercheuse et militante abolitionniste, se lance dans un travail profond de questionnement du système pénal et carcéral, par un biais féministe, en cherchant à démontrer comment ces systèmes ne servent pas à protéger les femmes victimes de violences, ni à changer la structure des systèmes qui créent ces rapports de domination et de violence. Elle démontre aussi que l’emprisonnement des personnes généralement  pauvres a un impact social, psychique et financier accablant sur leurs proches et leurs familles. Car si la majorité des personnes incarcérées aujourd’hui en France sont des hommes, la solidarité envers eux reste majoritairement féminine. Ce sont des femmes de l’entourage qui s’occupent couramment des frais d’avocat et des procès, parfois au point de tomber dans la dette. Il est commun que l’ancien revenu de la personne incarcérée a été la seule ou la principale source de revenu de la famille. Les femmes aussi s’occupent de rendre visite aux prisonnier·es et de faire en sorte qu’iels puissent garder un lien avec le monde extérieur, avec leurs enfants et la famille. Ces personnes sont fréquemment privées du droit de visite de manière arbitraire, soumises à toute sorte de contrôle au moment où elles arrivent aux parloirs et sont responsables d’apporter un soutien financier et psychique à leur proche incarcéré. 

Quels sont les besoins de la victime ? 

Pour réfléchir à une meilleure manière de faire face collectivement à des violences sexistes et sexuelles et à toute autre forme de violence et de préjudice, il est important de commencer par l’identification des besoins des victimes. Ruth Morris, penseuse et militante canadienne, une des pionnières dans le développement du concept de l’abolitionnisme pénal dans les années 1950, a réalisé plusieurs recherches sur le système judiciaire, pénal et carcéral, en se focalisant sur les victimes et leurs besoins. Sur ce sujet elle écrit dans « Deux types de victimes : répondre à leurs besoins »8Crimes & Peines – Penser l’abolitionnisme pénal, Gwenola Ricordeau, éd. Grevis, 2021.,  avoir été étonnée d’apprendre que la revanche ne faisait pas partie des besoins principaux ou le plus fréquent. Elle a énuméré les besoins les plus fréquemment repérés :

  1. Le besoin de réponses. Obtenir des réponses à un large éventail de questions, y compris la plus universelle : « Pourquoi moi ? » En effet, être victime implique d’avoir son espace envahi et une perte de contrôle. Obtenir des réponses peut aider à regagner une compréhension des choses et retrouver une sensation de contrôle et de sécurité. 
  2. Le besoin de reconnaissance du préjudice subi. Voir le préjudice subi reconnu comme une injustice importante, plutôt que comme quelque chose qu’iels auraient bien cherché ou quelque chose de banal que l’on pourrait prendre à la légère.
  3. Le besoin de sécurité. Il n’y a que dans une communauté protectrice et bienveillante que l’on pourrait trouver une véritable sécurité, pourtant notre système actuel transforme les auteurs de délits en épouvantails. Les procédures de « justice » et des décisions arbitraires et aliénantes n’offrent de sécurité ni aux victimes ni aux auteurs.
  4. Le besoin de réparation. La réparation vise à redonner à la victime le sentiment qu’elle appartient à une communauté qui se soucie d’elle. Il ne s’agit pas de rendre coup pour coup, mais de rétablir un lien et une sensation d’appartenance à une communauté qui se responsabilise. 
  5. Le besoin de trouver du sens. Dès que les victimes se rendent compte que leurs quatre premiers besoins ont été aussi satisfaits que possible, cela devient envisageable de commencer un parcours de reconstruction qui est assez personnel, mais qui a besoin du soutien collectif. 

Abolitionnisme vs alternatives à la prison

L’abolitionnisme pénal défend l’élimination des prisons et du système pénal, en les remplaçant par des nouveaux modèles de justice qui n’ont pas la punition comme centre. C’est aussi un positionnement contre les industries de la surveillance, de l’armement et de l’incarcération, qui essaient de se présenter comme des solutions pour des problèmes politiques et sociaux qui n’ont rien à voir avec ce qu’on appelle « criminalité ». 

On doit se méfier des discussions autour des « alternatives » à la prison car le système judiciaire peut se servir abondamment de ce type de demande pour des alternatives, qui ne sont finalement que du réformisme. L’histoire de la prison se nourrit du récit d’alternatives qui n’ont pas le but d’abolition, mais d’amélioration, en gardant le raisonnement de délégation à l’État. La loi du 15 août 2014, connue comme loi Taubira sur la justice restaurative en est un exemple, avec des propositions réformistes comme la probation, rencontres entre auteurs et victimes, le bracelet électronique, le travail d’intérêt général, etc. Des propositions qui cherchent à punir de façons plus « sympas » mais qui sont seulement une manière de faire en sorte de passer plus discrètement la même logique de contrôle et de répression. 

La proposition abolitionniste envisage la rupture de ce discours d’alternatives pour aller vers la construction d’autres modes de fonctionnement, basés sur l’autonomie, à la place de rechercher la validation du système. Prendre en charge collectivement les situations-problème signifie aller vers des appels à l’autonomisation, au contraire de continuer à nourrir le système avec des procès contre l’État, la police, le système, etc. On peut considérer que ce sont des stratégies parfois utilisées, sans entrer dans un jugement moral envers les personnes qui font recours à cela, mais c’est important d’être conscient·es de leurs limites réformistes. En donnant plus de force à la police, au droit pénal et à l’industrie carcérale pour nous protéger des oppressions, cela implique forcément de donner plus de force au système responsable de la persécution et de l’incarcération de la classe ouvrière, des immigré·es, de celles et ceux qui luttent contre les oppressions de manière organisée et aussi des femmes. Au Brésil, l’incarcération des femmes a augmenté de 700 % entre 2000 et 2016, à cause de la « guerre contre les drogues » : elle représente la quatrième plus grande population carcérale féminine au monde, prisonnières dans un système qui est pensé par des hommes et pour les hommes. 

On peut envisager la création d’espaces d’autonomie, d’écoute et de soutien collectif qui partent premièrement des besoins des victimes et s’intéressent honnêtement à leurs demandes. Plus on dépend du système de justice criminelle, plus on perd en pouvoir d’organisation et de confiance collectives. L’abolitionnisme pénal invite plutôt à la créativité qui ne donne pas de solutions prêtes à l’emploi. 

Partir des besoins de la victime et sortir de la logique punitive 

Par contre, l’absence de punition ne veut pas dire absence de responsabilité. La justice transformative a été développée dans les débats à l’intérieur du mouvement abolitionniste. Les principaux axes de la justice transformative (JT) sont :

  1. Le soutien à la personne survivante, sa sécurité  et son autodétermination sont prioritaires.
  2. La responsabilité de l’agresseur et son changement de comportement.
  3. Les changements communautaires en faveur de valeurs et de pratiques non oppressives et non violentes.
  4. Les changements pratiques et structurels des conditions qui permettent au préjudice de se produire.
  5. La justice transformative insiste sur le pouvoir créatif des personnes survivantes. 
  6. Un processus collectif : le regroupement des victimes, des auteurs et la communauté.
  7. La justice transformative considère que la responsabilité du préjudice ne peut pas être attribuée à la seule personne qui l’a causé. Pour cette raison, l’expression « situation problématique » est généralement préférée à celles de « comportement problématique » ou de « personne problématique ». Il s’agit donc de résoudre une situation et pas ­seulement de réparer un préjudice. 
  8. L’individualisation du besoin de sécurité des victimes. La JT encourage les victimes à exprimer leurs besoins, par nature uniques et qui peuvent évoluer avec le temps.
  9. JT prend en considération tous les rapports de domination souvent complexes, liés à la classe, au genre et la race, notamment. Alors que la justice pénale juge un acte, la JT essaie de répondre  aux besoins des personnes. La vulnérabilité des personnes est prise en compte.
  10. L’engagement à long terme : la JT prend beaucoup de temps puisqu’elle ne délègue pas la résolution des « situations problématiques » au système pénal et qu’elle est rarement un processus linéaire. 

« L’inclusion des agresseurs et des victimes dans les procédures de JT est parfois mal comprise. Il ne s’agit pas de penser les violences patriarcales comme co-produites par les agresseurs et les victimes (ce qui serait un vrai recul au regard des avancées féministes), mais plutôt de considérer qu’il serait dangereux de voir les agresseurs comme des monstres ou comme des exceptions. Si nous nous dissocions des personnes contrevenantes en les stigmatisant, alors nous échouons à voir comment nous contribuons aux conditions qui permettent à la violence de se produire »((Gwenola Ricordeau, op. cit.). 

Dépasser l’horizon du système pénal pour une véritable révolution féministe

La justice transformative ou réparatrice est inspirée des cultures autochtones nord et sud américaines et océaniennes, qui ont une longue histoire. Elles nous rappellent que le mode pénal et punitif n’est pas un horizon indépassable. Pour des militant·es féministes et révolutionnaires qui luttent pour la construction d’un autre monde, il devient fondamental d’inclure dans nos discussions et nos pratiques d’autres manières d’élaborer nos demandes politiques. Le mouvement féministe est aujourd’hui dans une impasse, d’un côté il y a l’ouverture à la parole et à la prise de conscience sur les rapports de domination patriarcale, ce qui est une évolution importante et à garder, mais de l’autre côté une avalanche de fausses solutions sécuritaires et répressives produites par un courant du féminisme qui ne prend pas en compte les rapports de domination raciste et de classe. Ce mouvement qui cherche plus de condamnations et d’incarcérations, n’a pas la capacité de mettre en place un changement structurel qui puisse nous conduire vers la fin des rapports de domination et d’oppression. 

Finalement, il est pertinent de préciser que la volonté de créer d’autres modes d’accompagnement des personnes agressées et des agresseurs, n’exclut pas la place légitime de la colère. Les actes de violence sont extrêmement impactants et peuvent engendrer des traumatismes individuels et collectifs difficiles à dépasser. Assurer des espaces où la colère contre toutes les oppressions puisse être exprimée reste une démarche importante dans le mouvement féministe. Que cette colère puisse être accueillie et partagée, pour finalement être organisée, criée dans les rues et diluée dans les luttes, vers une véritable révolution féministe !

Daniela Lima, Toulouse

Notes

Notes
1 Teoria geral do direito e marxismo, Evguiéni B. Pachukanis, ed. Boitempo, 2017.
2 Zémiologie : repose sur une critique du « crime » en tant qu’objet de la criminologie. Elle étudie toutes les formes de « nuisances sociales », comme le suggère son nom : zemia signifie « préjudice », « dommage » en grèc ancien.
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Étude nationale de la délégation aux victimes sur les morts violentes au sein du couple (2017) :

• Chaque année en France, 93 000 femmes déclarent avoir été victimes de viol ou tentative de viol. Dans 90 % des cas, la victime connaît son agresseur.

• Chaque année en France, 225 000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles au sein du couple.

• En 2017, environ 1 million de femmes ont été confrontées au moins une fois à une situation de harcèlement sexuel au travail ou dans les espaces publics.

• En 2017, 109 femmes et 16 hommes sont décédés, victimes de leurs partenaires ou ex-partenaires. Une femme meurt en moyenne tous les trois jours et un homme tous les 23 jours.

4 Des femmes aussi commettent des viols et d’autres types d’agressions sexuelles
5 Des femmes aussi commettent des viols et d’autres types d’agressions sexuelles
6 Moins de 10 % des victimes de violences sexuelles et sexistes déposeraient plainte, selon l’enquête de victimisation « Cadre de vie et de sécurité », dite « CVS » sur la période 2009-2017.
7 Pour elles toutes – Femmes contre la prison, Gwenola Ricordeau, éd. Lux, 2019.
8 Crimes & Peines – Penser l’abolitionnisme pénal, Gwenola Ricordeau, éd. Grevis, 2021.