Face à la menace fasciste, la gauche anticapitaliste doit être aux avant-postes!

Article écrit par Petros Constantinou, militant grec coordinateur de KEEFRA (Mouvement Unis contre le Racisme et la Menace Fasciste), conseiller municipal d’Athènes pour la coalition anticapitaliste ANTARSYA et membre dirigeant du SEK (Parti Socialiste des Travailleurs).

La lutte contre le racisme et le fascisme est nécessaire pour résister à la barbarie capitaliste, un système dont la crise en cette période s’approfondit au niveau économique, politique et idéologique.

Il est impossible de faire face à la montée de la menace fasciste sans s’affronter au racisme et à l’islamophobie. C’est un choix des gouvernements pour détourner la résistance ouvrière de la lutte contre les capitalistes qui sont les réels coupables de la pauvreté, du chômage, de l’austérité. Faire des immigrés, et particulièrement des musulmans, des boucs émissaires face à l’échec du système va main dans la main avec la poursuite des interventions impérialistes et de la soi-disant « guerre contre le terrorisme » comme alibi de la mise à feu et à sang en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient.

En Europe, en 2015, les réfugiés ont soulevé un mouvement de solidarité sans précédent, qui a brisé les frontières de l’Europe-forteresse depuis la mer Egée jusqu’au cœur des pays de l’U.E. Mais face à cela les gouvernements ont érigé de nouveaux murs, imposé une législation plus sévère en abolissant le droit d’asile et fermé les frontières avec les accords U.E.-Turquie et U.E.-Libye, transformant la Méditerranée en cimetière de réfugiés.

L’extrême-droite a bénéficié de cette campagne raciste et islamophobe des gouvernements. Elle a utilisé aussi la montée de Trump aux Etats-Unis, sa rhétorique agressive raciste, les interdictions d’entrée sur le territoire aux musulmans de six pays, l’annonce de la construction du mur à la frontière mexicaine et l’attaque contre les droits des femmes et des minorités.

Mais dans la même période, de la Grèce et l’U.E. jusqu’aux Etats-Unis, est apparu un mouvement. On l’a vu lors de l’entrée en scène explosive du mouvement contre Trump aux Etats-Unis.

En Grèce, les nazis de l’Aube Dorée sont actuellement bloqués à leur niveau d’influence de 2012 et ont 68 de leurs cadres présents deux fois par semaine à leur procès, dont tout leur groupe parlementaire de 2012, à savoir 17 députés. Ils sont accusés d’organisation criminelle pour les assassinats qu’ils ont commis, culminant avec celui du musicien Pavlos Fyssas en septembre 2013. Ce procès est le résultat de l’énorme développement du mouvement antifasciste. Des dizaines de milliers de manifestants ont alors marché vers le quartier général d’Aube Dorée suite à l’appel à la grève générale des syndicats revendiquant la dissolution des organisations fascistes.

Cette évolution a obligé le gouvernement à casser la protection que les mécanismes d’États, la police et la justice, accordaient depuis de nombreuses années aux fascistes. C’est un grand succès du mouvement antifasciste et l’existence de KEERFA depuis 2009 a joué un rôle décisif dans son développement.

Car cela a été précédé d’un mouvement de masse qui s’est affronté par des manifestations à la présence des fascistes, aux pogroms contre les immigrés, aux attaques au couteau criminelles et racistes contre ces derniers.

Notre choix de ne pas sous-estimer la menace fasciste mais d’unir les gens pour y faire face a été décisif. Nous nous sommes opposés à l’idée, dans la gauche, que les grèves seules allaient arrêter la montée du fascisme de manière magique et automatique. En Grèce nous avons eu 30 grèves générales mais cela n’a pas arrêté la montée des fascistes alors même que, durant la crise qui s’approfondissait, des parties de la classe dirigeante tournaient le regard jusqu’à l’extrême-droite en tant que force susceptible d’arrêter les syndicats.

Le gouvernement de SYRIZA a déçu, pas seulement à cause de son adaptation droitière aux mémorandums et à l’austérité mais aussi du fait de sa signature de l’accord de fermeture des frontières, de l’ouverture de camps de concentration pour les réfugiés, de l’apparition de ses députés et cadres aux côtés des députés néonazis de l’Aube Dorée au nom de l’unité nationale, ou encore pire, d’une politique qui leur reconnait des « droits en tant que parti politique » (accès à la télévision nationale, protection de la police lors de rassemblements racistes contre les enfants de réfugiés revendiquant de pouvoir aller à l’école, etc…) !

Pourtant les néonazis se sont trouvés en recul à cause du procès. Ils n’avaient plus la possibilité de sortir ouvertement leurs bataillons. Ils ont tenté de réapparaitre dans les quartiers et les îles en réaction à la montée du mouvement de solidarité avec les réfugiés. Ils sont allés jusqu’à de nouvelles attaques contre des immigrés dans la région de Aspropyrgos.

Les syndicats enseignants ont organisé un mouvement massif qui a embrassé toutes les forces de gauche, amenant aux portes des écoles des centaines de manifestants pour l’accueil des enfants de réfugiés, isolant ainsi les fascistes. La POSPERT (syndicats des travailleurs de la télévision publique) appelle dorénavant à la grève chaque fois que les fascistes tentent d’apparaitre à l’écran, empêchant ainsi la possibilité de propagande fasciste à la télévision publique.  L’Aube Dorée a d’ailleurs intenté un procès pour faire interdire ces grèves, mais l’a perdu.

L’action massive de KEERFA en collaboration avec les syndicats et la gauche a marginalisé Aube Dorée. Après une tentative d’assassinat de l’étudiant Alexis Lazaris devant son quartier général en avril dernier, un mouvement de masse s’est développé pour fermer partout les locaux des néonazis. En 2012, ils étaient parvenus à avoir 72 bureaux, ils n’en ont plus que 30.

Le 16 Septembre plus de 15.000 antifascistes ont marché vers le quartier général d’Aube Dorée demandant sa fermeture et dénonçant le gouvernement SYRIZA qui a empêché, en envoyant des centaines de policiers, la manifestation d’arriver jusqu’aux locaux.

La lutte contre le fascisme est devant nous. Ils n’ont peut-être pas atteint leur but grandiose de se présenter comme l’alternative à la crise des gouvernements de l’U.E. avec la baisse des partis traditionnels, mais ils continuent de constituer une menace car ils ont obtenu une présence dans les parlements et une force pour tirer le champ politique vers la droite.

Les élections en Allemagne ont mis en avant la crise profonde de Merkel et de la social-démocratie, mais aussi la faiblesse de la gauche à se présenter comme un pôle dynamique qui gagne à lui le mécontentement. C’est uniquement en Allemagne de l’ouest qu’elle est arrivée à augmenter son influence et à contrer l’AfD, sur la base d’ailleurs des initiatives de l’aile de Die Linke qui a mis en avant la nécessité de lutter contre le racisme. Au contraire, en Allemagne de l’est, c’est l’AfD qui a progressé. Mais la gauche anticapitaliste, en se mettant à l’avant-poste de ce combat, avec une politique de front uni telle que l’a développée Trotsky dans la période d’entre-deux-guerres, a la possibilité de construire un mouvement de masse qui repousse cette menace.

Il est nécessaire de construire ce bouclier, au moment même où, avec le soutien de la résistance ouvrière contre l’U.E. de l’austérité, un mouvement de l’espoir peut naître face à la perspective que soit imposée la démagogie des fascistes comme alternative à la crise. La gauche anticapitaliste a la possibilité de devenir un courant massif et de se transformer en pôle qui attire tous les gens qui sont déçus du tournant à droite de la social-démocratie et de SYRIZA en Grèce. Ici, la présence d’ANTARSYA ouvre cette perspective.

Petros Constantinou, Octobre 2017