En rassemblant 10,5 millions de voix au deuxième tour de l’élection présidentielle sur le nom de sa présidente, le Front national vient de réaliser son meilleur score depuis sa création en 1972.
Bien que sous-représenté dans les institutions de la 5ème République, notamment à l’Assemblée nationale, le FN sort considérablement renforcé de la séquence électorale. C’est dire à quel point le danger fasciste reste une donnée essentielle de la période.
On ne vote pas contre le F-Haine, on le combat !
Une nouvelle fois, « l’accident démocratique » n’a pas eu lieu, et le Front national n’aura pas percé le fameux « plafond de verre » qui aurait pu lui permettre de prendre le pouvoir par la voie électorale. On pourrait même aller jusqu’à dire que la présence d’unE candidatE FN au second tour de l’élection présidentielle est désormais le meilleur cas de figure pour faire gagner le candidat de la bourgeoisie. En 2002, Chirac fût pratiquement plébiscité par la rue en dépit d’un programme ultra réactionnaire, en 2017, Macron, ministre détesté par les opposants à la loi travail xxl et pour ses promesses de gouverner par ordonnances, bat largement Marine Le Pen (2/3 des suffrages exprimés) sans que ne se soit développée une mobilisation spécifiquement antifasciste.
Pour notre part, nous n’avons pas choisi entre la peste et le choléra, conscients de l’impasse que représentait le vote Macron, ultra minoritaire au sein de notre camp social si l’on tient compte des non-inscrits sur les listes électorales, des abstentionnistes (25% du corps électoral), des près de 10% qui ont voté blanc ou nul et des habitantEs de ce pays qui ont l’obligation d’y payer des impôts, mais pas le droit de voter. Nous n’avons pas voté Macron car il est le plus sûr marchepieds pour que le FN accède un jour au pouvoir, par les urnes… ou par la force qu’il ne cesse de renforcer au sein de l’appareil répressif de l’État : police justice et armée.
On ne discute pas avec les fascistes !
Attendu avec impatience par les médias et faiseurs d’opinion, le débat d’entre-deux-tours constitue d’après eux le point de basculement qui aurait définitivement consacré la défaite de Marine Le Pen. Symbole achevé de la stratégie de dé-diabolisation poursuivie depuis plus de 15 ans, Macron brisait un tabou en acceptant un débat que Chirac avait refusé en 2002. Perdue dans ses notes, imprécise voire incohérente sur le volet économique, agressive face au jeune banquier ex-ministre de l’Économie, Marine Le Pen n’excellât ce soir-là que sur ce qui constitue la clef de voûte du programme frontiste : le racisme et la préférence nationale. Dés lors, si on ne prend pas cet élément essentiel en compte, on comprend mal qu’après une telle prestation, la présidente du FN ait pu rassembler pour le deuxième tour près de 3 millions de votes de plus qu’au premier et réaliser le plus haut score du FN depuis la naissance du parti.
Un vote raciste et sécuritaire
La plupart des ouvrages ou des articles consacrés au Front national contribuent à lui donner des arguments pour parachever sa respectabilité, et persuader l’opinion publique qu’il n’est qu’un parti comme les autres. Certains auteurs classés « à gauche » poussent même la « bienveillance » jusqu’à « comprendre » les motivations des électeurs frontistes. Ainsi le sociologue Willy Pelletier, membre de la fondation Copernic, s’évertue-t-il dans un article du Monde diplomatique paru en juin à nous expliquer, témoignages « de terrain » à l’appui, que la principale motivation du vote FN ne serait pas le racisme et la préférence nationale, mais la destruction des solidarités engendrée par les effets du libéralisme. Ce serait faire preuve d’idéalisme et d’intellectualisme que de dénoncer ses incohérences et sa xénophobie. La sociologie n’est décidément plus un sport de combat !
Les 3 millions de voix gagnées par Marine Le Pen entre les deux tours ne l’ont pas été sur son programme économique et social, encore moins sur la question européenne et ses hésitations sur une éventuelle sortie de l’Euro, mais sur le choix d’une partie de l’électorat de la droite « dure », orpheline d’un parti institutionnel LR aux abois.
Un pouvoir de nuisance en montée exponentielle
Dans une période marquée par la polarisation, le déclin sinon la disparition des vieux partis institutionnels, le Front national, loin d’être en crise comme nous le serinent régulièrement ceux qui ne veulent pas admettre l’existence d’un danger fasciste, ne va pas rester éternellement « l’arme au pied ». Parti structurant et hégémonique de l’extrême droite, il entretient des liens depuis toujours avec une galaxie de groupes activistes prêts à passer à l’action. Des manifestations sauvages de policiers de l’été dernier aux récentes exactions contre les migrantEs (le dernier en date étant la construction d’un mur près de Tarbes afin d’empêcher l’ouverture d’un centre d’accueil pour réfugiéEs), les voyants sont au vert pour la canaille réactionnaire qui est entrée dans un processus de transgression. La collecte de fonds par les identitaires pour armer une flotte anti-migrantEs montre jusque où ils sont, d’ores et déjà, prêts à aller.
Non, le Front national et ses affidés ne connaissent pas une crise d’orientation révélée à l’occasion des dernières élections. Chien de garde des orientations toujours plus sécuritaires, répressives et racistes d’un État qui subit depuis des décennies sa pression idéologique, il ne peut que se renforcer en attendant la crise institutionnelle propice qui lui permettra d’accéder au pouvoir. Les réajustements programmatiques en cours, notamment sur les questions européennes, tiennent plus de la distribution des rôles que d’une remise en cause stratégique. Le changement de nom évoqué pour son prochain congrès ne serait qu’une nouvelle étape dans une dé-diabolisation largement avancée.
Faire barrage au F-Haine, c’est possible et c’est vital !
Loin d’être une fatalité, un mal inconnu contre lequel on n’aurait pas trouvé d’antidote, nous savons à travers les leçons du passé quelles sont les pistes qui pourraient faire reculer durablement les fascistes et quelles sont les erreurs sectaires à ne pas rééditer. Construire un rapport de forcesantifasciste passe par reconquérir, notamment dans la jeunesse, l’hégémonie politique et culturelle : par la reconstruction d’une activité antiraciste permanente ; par la réactivation de réseaux de soutien aux migrantEs et aux sans-papiers ; par une lutte sans merci contre l’islamophobie;par une vraie politique de front unique large, sans concessions, qui ne retombe pas dans un antiracisme moral et instrumentalisé par quelque pouvoir en place que ce soit.