Il est des manifestations qui marquent un tournant, commencent à infléchir la situation, donnent de l’élan pour la suite. La mobilisation à l’occasion de la journée internationale de solidarité avec les migrant.e.s, du 18 décembre dernier, avec plus d’une cinquantaine de rassemblements sur l’ensemble du territoire hexagonal et un cortège rassemblant 10 000 participant.e.s dans les rues de Paris, l’implication d’un large arc de forces associatives, syndicales, politiques et surtout des collectifs de sans papiers et de migrant.e.s, en est assurément un exemple.
Impliquer les premier.e.s concerné.es, mobiliser les soutiens
A l’initiative de la Marche des Solidarités, cadre militant contre le racisme d’état, regroupant des organisations de sans papiers, de migrant.e.s et de solidarité, des collectifs de victimes de violences policières, des associations d’habitants des foyers de travailleurs immigrés, c’est l’arc de force le plus large depuis des années sur cette question qui a participé à l’organisation de la mobilisation, et à son succès. Car au-delà du nombre de signatures en bas du tract, c’est l’implication militante d’équipes syndicales et politique aux cotés des activistes sans papiers, migrant.e. et de la solidarité, qui a construit la réussite de l’initiative.
Donnant une traduction concrète à la salutaire prise de position de son secrétaire général, qui remettait en septembre dernier les pendules à l’heure face à ceux et celles qui, à gauche, établissent un lien entre immigration et baisse des salaires et des droits des travailleurs, la CGT a joué un rôle important dans l’élargissement de la mobilisation. Se saisissant de l’appel confédéral, des équipes CGT, aux côtés de celles de Solidaires et des militant.e.s antiracistes ont contribué à ancrer la mobilisation sur l’ensemble du territoire français.
A Paris, la vitalité des collectifs de sans-papiers et de migrant.e.s a assuré le succès de la manifestation et son dynamisme. En effet, les nombreux porte à porte dans les foyers, la mobilisation des sans papiers et des soutiens pour assurer la popularisation de cette journée ont permis que le cortège formé par les premières et premiers concerné.e.s, exilé.e.s, migrant.e.s, sans-papiers, regroupe la moitié des participant.e.s à la marche partie à 18h de la place de la République.
Construire la contre-hégémonie
Dans un contexte marqué par l’arrivé de partis fascistes aux responsabilités un peu partout dans le monde et par l’aggravation des politiques racistes et criminelles de fermeture des frontières des gouvernements européens, alors que la mortalité lors de la traversée de la méditerranée atteint des sommets insupportables et qu’une femme migrante subit en moyenne trois viols durant son trajet, construire un large mouvement de solidarité devient un enjeu vital.
Sans rien céder sur le fond, sur les mots d’ordre que nous dicte l’urgence de la situation (ouverture des frontières, liberté de circulation et d’installation, fermeture des centre de rétention, régularisation de toutes et tous) nous avons regroupé, mis en mouvement, donné confiance à d’importants secteurs du mouvement social sur des idées simples qui dessinent les contours d’une contre hégémonie antiraciste : Oui les migrant.e.s sont les bienvenu.e.s, un accueil digne pour toutes et tous est possible, tout comme il est possible d’arrêter le massacre sur les routes de migration, c’est une question de choix politiques ; Non les migrant.e.s ne sont en rien responsable des bas salaires et des attaques contre les droits des travailleur.euse.s dictées par les nécessité de l’accumulation du capital dans un système en crise globale et mondiale ; Non appliquer la politique de l’extrême droite en matière d’immigration n’a jamais permis de lutter contre les fascistes.
L’unité construite pour cette journée de mobilisation nous montre que tous ceux et celles qui font l’impasse sur le sujet (Lutte Ouvrière,…) ou pire adoptent des arguments qui tendent à faire de l’immigration un « problème » (direction de la France Insoumise,…) pour s’adapter à une soi disant « opinion publique » font fausse route. La construction d’une contre-hégémonie ouvrière ne s’est jamais faite en s’adaptant à l’idéologie capitaliste, en adoptant le point de vue des dominants. Mais au contraire en tenant ferme sur les principes, et en engageant, sans céder un pouce de terrain aux arguments racistes et libéraux, la bataille des idées pour construire l’unité de notre classe sur des bases qui soient celle de l’émancipation de tou.te.s.
Et cela est d’autant plus important que le contexte français est marqué par une crise sociale et politique d’une ampleur inédite, qui rend la clarté sur les questions des migrant.e.s et du racisme en général indispensable, qui nous oblige à articuler combat social et antiraciste, comme nous l’avons fait lors de la préparation de cette journée. Ce qui explique que la mobilisation parisienne ait bénéficié de l’atmosphère de mobilisation créée par les gilets jaunes.
En route pour le 16 Mars
Celles et ceux qui ont osé et réussi le pari de la mobilisation du 18 décembre doivent continuer. Continuer à construire et élargir un front de lutte antiraciste, à défendre l’importance primordiale de la mobilisation de ceux et celles qui tous les jours subissent le racisme pour en finir avec ce système d’oppression, à affirmer que seule la mobilisation antiraciste de notre classe fera reculer le danger fasciste. Continuer aussi à se poser des questions. Sur comment articuler nos réponses au différentes formes et manifestations du racisme d’Etat, sur la place des soutiens et comment pratiquer « l’internationalisme à domicile », sur les stratégies pour ancrer les questions du racisme au cœur des luttes de notre classe et comment obtenir des victoires, des régularisation collectives, forcer les portes des préfectures.
Et pour avancer ensemble sur les réponses à ces questions, rien de mieux que la pratique collective, les tests in vivo. Par exemple, en commençant la mobilisation pour le 16 mars, date qui depuis plus de 3 ans, de Marche de la dignité en Marche des solidarités, permet, à la jonction entre la journée internationale de lutte contre le racisme, et celle contre les violences policières, aux forces de l’antiracisme politique d’affirmer la nécessité d’un front de lutte antiraciste et, depuis l’année dernière, de commencer à le faire vivre.
TPP, le 6 janvier