Un an après la destruction de la « jungle » de Calais, la situation des migrantEs sur le territoire français n’a cessée de se dégrader.
« Avec humanité », On a dispersé aux quatre coins du pays des milliers de personnes dans des CAO souvent insalubres, pour des séjours précaires et limités à quatre mois. Les peu nombreux demandeurEs d’asile ont été pour les 3/4 déboutés de leurs demandes, rejoignant les rangs des « dublinés » san-papiers, contraints à la clandestinité, jetés à la rue, traqués par la police, enfermés dans les centre de rétention, et expulsés vers leur supposé pays d’origine, quelles qu’en soient les conséquences : des Soudanais ont été arrêtés et torturés lors de leur retour forcé.
« Usage de la force disproportionné »
Il aura fallu que l’ONG Human Rights Watch publie en juillet un rapport accablant portant sur de nombreuses violences constatées contre les migrantEs, notamment dans le Calaisis, pour que le gouvernement soit contraint de mandater une mission d’inspection. Celle-ci fait état de « plausibles manquements à la doctrine d’emploi de la force et à la déontologie policière », ainsi que « [d’]un usage de la force disproportionné, voire injustifié, à l’encontre de migrants et de membres d’organisations humanitaires sur place ». Nous l’avions dit lors de la destruction du campement de Calais il y a un an, et nous le réaffirmons aujourd’hui face aux organisations qui continuent de collaborer avec l’État et sa gestion migratoire criminelle : il n’y a pas d’issue positive globale aux demandes des migrantEs et sans-papiers sans construction d’une puissante mobilisation antiraciste de solidarité autour de leurs revendications, régularisation massive des demandeurs d’asile, droit de circulation et d’installation, ouverture des frontières.
Le gouvernement Macron à l’offensive
À l’occasion d’une réunion nationale des préfets tenue le 5 septembre, Emmanuel Macron avait annoncé une nouvelle loi de « refonte complète de notre politique d’asile » pour le premier semestre 2018. Il semble qu’elle sera proposée au parlement dès le début de la nouvelle année. Son principe essentiel peut se résumer en une formule utilisée devant les préfets : le « cap de fermeté ». Traçant une frontière étanche entre demandeurs d’asile et réfugiés économiques, il s’agira de sélectionner les premiers jugés rentables et « intégrables » en fonction de « nos » besoins, et d’expulser tous les autres. « Nous reconduisons trop peu », a osé dire Macron « Nous laissons s’installer (sic) des centaines de milliers de personnes dans un no man’s land administratif ». Il est ainsi prévu une accélération de l’examen des dossiers afin débouter le plus vite possible (6 mois maximum). Les délais de vérification des titres de séjour, aujourd’hui de 16 heures, seront allongés, ainsi que la durée de rétention administrative de 45 jours qui pourrait être doublée ! Les OQTF (ordres de quitter le territoire français) seront immédiatement exécutables sans possibilité de recours. Etc.
Il est grand temps de sonner l’alarme
Nous avons souvent évoqué la nécessité pour le mouvement de solidarité avec les migrantEs de bâtir des initiatives nationales, voire internationales, qui permettent de reconstruire un rapport de forces face à la répression, à l’extrême droite et au racisme qui se développent. L’hiver approche, et les conditions de vie des migrantEs vont encore se dégrader, les traversées de la Méditerrané vont être plus dangereuses, les franchissements de cols enneigés vont être plus mortels. À l’heure où des poursuites judiciaires sont entamées par l’extrême droite contre La Roya Citoyenne pour être venu en aide aux migrantEs, où les « soupes au cochon » refont leur apparition, il est grand temps de sonner l’alarme !
Proclamé en 2000 par l’ONU comme Journée internationale des migrants, le 18 décembre est chaque année, dans de nombreux pays, l’occasion de mobilisations. Cette année, au vu de la gravité et de l’urgence de la situation, les anticapitalistes mettront toutes leurs forces afin de faire de cette journée de mobilisation un succès. Contre la résignation et les stratégies d’évitement, nous sommes prêts, en accord avec les collectifs de sans papiers, avec les migrantEs, avec les structures qui les soutiennent activement, à répondre à tout appel de caractère national. L’heure n’est pas à l’action symbolique et à la dispersion, mais à la création d’un rapport de forces réel…
Pourquoi pas à la frontière italienne, samedi 16 décembre, lieu emblématique s’il en est de la résistance aux logiques d’État et de la solidarité citoyenne ?
Alain Pojolat, le 31 octobre 2017
Article écrit pour l’Anticapitaliste