La France à un tournant : première vague de riposte contre le racisme et le fascisme

Manifestations du 14 janvier

C’est assez inédit. Un mouvement se développe en France contre le racisme et le fascisme. Portant sur le rejet d’une loi raciste particulièrement abjecte, la riposte prend forme après le vote de la loi !

Les Cahiers d’A2C #11 – Janvier 2024

Une dynamique par en bas

Des dizaines de milliers de manifestants ont défilé sur tout le territoire ce dimanche 14 janvier dont 25 000 à Paris mais aussi des milliers à Rennes, Marseille, Bordeaux ou Lyon. Cela fait suite au vote de la loi dite Darmanin (du nom du ministre de l’intérieur) le 19 décembre dernier.
Au-delà des chiffres de manifestants, encore modestes par rapport à ce qu’il faudrait pour imposer le retrait de la loi, c’est la dynamique de la mobilisation elle-même qui peut annoncer un mouvement de fond.
Les jours précédents la manifestation des banderoles ont commencé à apparaître devant de nombreuses écoles pour dénoncer le caractère raciste de la loi. Elles ont été faites parfois par les parents d’élèves et parfois par les enseignants. Dans une école de la banlieue parisienne des assistantes d’éducation se sont même mises en grève pendant trois jours. Les lycéens et les étudiants sont en train de s’organiser pour lancer des blocages de lycées et d’universités. Dans plusieurs hôpitaux de la région parisienne les personnels opposés à la loi sont en train de se coordonner pour agir. Une fédération sportive et des clubs de football ont appelé à la mobilisation.

Les sans-papiers en première ligne

A l’initiative notamment de la Marche des Solidarités et des collectifs de sans-papiers un mouvement de mobilisation avait eu lieu pendant des mois pour s’opposer à la loi la plus dure, la plus raciste et liberticide de ces trente dernières années. Cela avait donné notamment lieu à une journée de manifestations sur tout le territoire le 18 décembre dernier où 15 000 personnes avaient manifesté à Paris.
Bien que significative, la faiblesse de cette mobilisation n’avait pas permis de s’opposer au vote de la loi. La gauche et les syndicats s’étaient peu impliqués au-delà de dénonciations formelles.
Mais le coup de tonnerre est venu le lendemain quand une version encore plus dure de la loi a été votée par l’Assemblée nationale par une alliance entre le parti présidentiel, la droite la plus abjectement raciste et les fascistes du Rassemblement national. C’est cette alliance entre le président Macron, élu en 2022 en se présentant comme barrage au fascisme, et Marine Le Pen qui a suscité la riposte. Cela a créé une prise de conscience sur la nature de la loi (votée par les fascistes !) et sur la réalité d’un danger fasciste en France.

Des réactions ont eu immédiatement lieu après le 19 décembre. Des réactions d’en bas, blocages de lycées, rassemblements et manifestations spontanées. Et des réactions d’en haut, démission d’un ministre, déclarations de refus d’applications de la loi d’élus de régions ou de villes, opposition à la loi d’organismes de « gestion » des migrants, etc.
Et la dirigeante d’un des principaux syndicats, la CGT, a même appelé à la désobéissance civile.
C’est dans ce contexte qu’à l’initiative de la Marche des Solidarités et des Collectifs de sans-papiers un appel a été lancé à manifester le 14 janvier, appel qui a été signé par près de 500 organisations, locales ou nationales, dont des syndicats.

Vers une riposte contre le fascisme

La crise, en haut, est telle que le président a dû annoncer que certaines mesures votées dans la loi allaient sans doute à l’encontre de la Constitution et pourraient être retirées lors du passage devant l’organisme contrôlant la conformité des lois avec la Constitution le 25 janvier ! L’organisation des patrons, le Medef, s’alerte lui-même d’une polarisation politique qui oblige même les directions syndicales à se mobiliser. Alors qu’après l’échec du mouvement sur les retraites ces directions syndicales avaient repris leur politique de conciliation. En effet les directions syndicales appellent à une nouvelle journée de manifestations dimanche prochain contre la loi raciste pour « la défense de la République ».

Par certains aspects les réponses politiques ressemblent à la situation des années 30. Une partie de la gauche et les directions syndicales cherchent une alliance à droite avec les secteurs les plus libéraux de la bourgeoisie contre le développement du fascisme. C’est la base de leur appel à manifester. Assez logiquement elles résistent à appeler à la grève contre la loi raciste pour ne pas s’aliéner ces « alliés ». C’est ce qui explique notamment que la CGT a refusé d’appeler aux manifestations de ce 14 janvier.
Mais la dynamique par en bas telle qu’elle s’est reflétée dans les manifestations du 14 janvier est d’une autre nature. Un syndicat de l’éducation appelle déjà à la grève le 25 janvier prochain contre la loi. La Marche des Solidarités appelle les syndicalistes à amplifier et généraliser cet appel, dans l’éducation et au-delà. Pour obtenir le retrait total de la loi et créer une dynamique qui barre la route au fascisme.

Denis Godard, Paris 20e