Cet article a été écrit pour Solidarité Ouvrière, le journal du SEK (Parti socialiste des travailleur·e·s) en Grèce. Il a donc été écrit avant les annonces du premier éborgneur de France, Edouard Philippe, dont les déclarations ne changent rien à la nécessaire construction du mouvement et des grèves contre la réforme des retraites et ce gouvernement répressif.
Le 5 décembre 1995 marquait le début d’un mouvement de grève générale de plus d’un mois contre la réforme des retraites. Cette grève a été victorieuse grâce à l’unité de notre classe pour y parvenir. Elle a profondément modifié le climat social en France en redonnant confiance à de larges couches de travailleurs.
Le 5 décembre 2019 plus d’un million de manifestants déferlent dans les rues de France. C’est plus qu’à la même date il y a 25 ans. Cheminot·e·s, enseignant·e·s , travailleur·e·s du public et du privé, retraité·e·s , chômeur·e·s , précaires convergent contre la réforme des retraites du gouvernement favorisant toujours les plus riches. Le régime actuel, malgré les attaques qu’il a subi depuis 25 ans permet d’adapter les pensions en fonction des particularités de certaines professions. Ainsi les cheminot·e·s qui ont des conditions de travail particulièrement difficiles et sont astreint·e·s pendant les week-ends et les fêtes avec des plages horaires très étalées bénéficient d’un régime spécial et en particulier d’un départ anticipé à la retraite. Pour les fonctionnaires qui démarrent avec des salaires très bas et progressent lentement le calcul des pensions s’effectue sur la base des 6 derniers mois de salaires, les plus élevés. Au nom, soi-disant, de l’égalité, le gouvernement veut imposer un régime “universel”. Avec la réforme de la retraite par point, le calcul se fait sur toute la carrière et les avantages des régimes spéciaux sont détruits. Cela se traduit par une baisse énorme des pensions jusqu’à 28% et un allongement de plusieurs années du temps de travail. Tous les salarié·e·s seront perdant·e·s et seront condamné·e·s à terme à “capitaliser” leur retraites au bénéfice du patronat.
Après avoir attaqué chaque secteur un à un depuis son accession au pouvoir, cette fois, Macron réussit à fédérer massivement contre lui malgré ses nombreuses tentatives pour nous diviser.
Jusqu’à présent la stratégie syndicale de luttes sectorielles, par des journées d’actions et de grèves ponctuelles avait été un échec. Même la longue grève des cheminots de juin 2018 contre la destruction de leur statut avait échoué et la presse bourgeoise avait félicité Macron pour avoir enfin maté ce bastion de la classe ouvrière.
Mais le mouvement des Gilets Jaunes qui a commencé il y a exactement un an a changé le climat. Pendant des mois ce mouvement spontané, a rassemblé sur les rond-points des couches des classes populaires et des salarié·e·s souvent précaires et éloigné·e·s des organisations syndicales aux périphéries des grandes villes. Il n’a pas hésité à affronter les violences policières tous les samedis dans les grandes villes de France déstabilisant un temps le pouvoir. Détesté par les élites médiatiques, il a bénéficié d’une large soutien populaire. Ses revendications ont évolué de la lutte contre l’injustice fiscale jusqu’à la remise en cause globale du système. Ce mouvement a permis de casser l’idée colportée par la presse que les luttes n’étaient le fait que de salarié·e·s qui défendaient leurs privilèges. Son organisation par l’intermédiaire des réseaux sociaux a également inspiré de nombreux secteurs.
Depuis, un impressionnant mouvement de grève s’est organisé dans le secteur de la santé à partir des services d’urgences pour défendre le service publique hospitalier en ruine. Il n’a cessé de grossir depuis huit mois. Dans l’Éducation après deux ans de réformes destructrices une riposte venue de la base dans les écoles primaires puis dans le secondaire s’est organisé au printemps dernier poussant les syndicats enseignants à soutenir la grève du bac, ce qu’ils n’avaient jamais fait depuis 1968. Le 13 septembre dernier, Paris était bloqué par une grève totale des transports. En octobre des grèves massive et spontané, parfois sans aucune consigne syndicale ont paralysé plusieurs grands axes du rail.
Lors de la grève du 5 décembre, des chiffres de grève historiques sont atteints dans de nombreux secteurs notamment dans les transports mais aussi dans l’Education nationale avec 75 % de grévistes. 7 raffineries sur 8 sont à l’arrêt. Les pompiers qui appelaient depuis le 2 décembre à camper sur la place de la république rejoignent la manifestation et font reculer les CRS qui avaient scindé la manifestation en deux et empêchaient les cortèges d’avancer.
L’ambiance est à la colère mais également à la fête de se retrouver “Tous ensemble” contre Macron et son monde ! Au-delà des retraites, les revendications pleuvent : pour l’augmentation des salaires, contre la casse des services publics, contre la réforme de l’assurance-chômage…
Dans les cortèges cheminot·e·s , profs, infirmier·e·s , retraité·e·s , chômeur·e·s …se donnent rendez-vous le soir même dans des assemblées générales interprofessionnelles.
Le 6 décembre, de multiples assemblées générales reconduisent la grève. Des AG de cheminots et de personnels de l’éducation votent la grève jusqu’à mardi 10 décembre, date fixée par les centrales syndicales pour une nouvelle journée nationale d’action.
L’après-midi des rencontres interprofessionnelles ont lieu dans les gares et appellent à des actions de blocages dès lundi matin !
La convergence avec la manifestation des Gilets jaunes du lendemain est votée tout comme l’appel à rejoindre la manifestation de dimanche 8 décembre contre le racisme et les violences policières.
Ça ne fait que commencer ! Tous les acteurs de ce mouvement en sont convaincus ! A commencer par les sections les plus combatives des cheminot·e·s qui se sont mobilisés en 2018 et qui ont fait partie des secteurs organisés, syndiqués à rejoindre le mouvement des gilets jaunes dès le début.
Un an après le début du mouvement des Gilets Jaunes : Tout est possible!