Crise du pouvoir : contre la loi Darmanin-Le Pen et pour la Palestine, saisir la brèche

Éditorial

La crise politique que traverse le gouvernement ne cesse de se renforcer. Après six mois de mouvement social contre la réforme des retraites, trois jours et nuits de révoltes contre les crimes policiers, le gouvernement est fragilisé pour mener sa politique. Acculé dans une période de crise économique et politique, il ne peut nous concéder de victoires et n’a pas d’autre choix pour mettre fin aux conflits sociaux ou politiques, que d’accroître la répression de nos luttes par tous les moyens possibles et de renforcer les discours et attaques racistes. Les attaques racistes et l’alimentation des discours réactionnaires sont une arme pour empêcher l’unité de notre classe qui pourrait lui être fatale dans la période. La loi immigration de Darmanin émerge dans ce contexte de crise du gouvernement Macron. À nous de nous enfoncer dans cette brèche pour faire tomber cette loi et le gouvernement !

Les Cahiers d’A2C #11 – Janvier 2024

Perte d’influence de l’impérialisme en Afrique de l’Ouest et sursaut internationaliste contre Israël et les impérialistes occidentaux

La crise du gouvernement est inscrite dans une crise plus globale de l’impérialisme français à l’international. Après les mouvements « France dégage ! » en Afrique de l’Ouest et les différents coups d’États au Mali, Burkina Faso et récemment au Niger, le mouvement de solidarité pour la Palestine vient accentuer la crise de l’impérialisme français. À la suite du 7 octobre 2023, des millions de personnes ont défilé dans toutes les villes du monde en solidarité avec la résistance palestinienne. En France, en cette fin d’année 2023, malgré un génocide documenté en tant réel, le gouvernement français a réprimé sans commune mesure en septembre, toutes marques de solidarité avec la Palestine et continue d’envoyer des armes en Israël.  

Le génocide colonial et l’absence d’un cessez-le-feu traduit la barbarie sans nom du gouvernement d’extrême droite de Netanyahou et l’incapacité internationale à mettre fin à ce bain de sang. Le mouvement de solidarité pour la Palestine vient de nouveau fragiliser le gouvernement en montrant son impuissance à mettre fin au génocide et jette la lumière sur les intérêts de la France à la présence d’Israël au Moyen-Orient.  

Réprimer une lutte de solidarité avec un peuple massacré en direct a nécessité pour le gouvernement un renforcement toujours plus fort de l’islamo­phobie, en reprenant l’idéologie qui assimile Palestinien·nes, musulman·es, arabes et terrorisme. Dans les écoles, plusieurs centaines d’élèves ont été accusés d’apologie du terrorisme pour n’avoir pas respecté la minute de silence. 

Dans la construction de cette idéologie, le gouvernement s’est retrouvé à marcher contre l’antisémitisme, main dans la main avec le RN. En s’associant avec un parti bâti sur le négationnisme, il ne s’agissait donc pas d’une marche contre l’antisémitisme mais bien d’une marche islamophobe, contre les musulman·es et contre la solidarité envers le peuple palestinien. 

Dans une période de crise, le racisme est exacerbé car il permet à la fois d’assurer la division de notre classe face aux politiques antisociales et aux réformes autoritaires mais aussi de construire un bouc-émissaire intérieur et extérieur pour justifier du renforcement militaire voire des attaques envers les luttes de libération ou de résistances des pays colonisés (Palestine) ou des pays anciennement colonisés sous influence de la France (Mayotte, Afrique de l’Ouest). Le racisme est un pivot idéologique empêchant l’unité de notre classe, permettant le renforcement des partis et des groupes fascistes et la victoire de l’impérialisme à l’international. Comment légitimer un génocide colonial sans étiqueter les victimes comme terroristes ? Comment convaincre du besoin de réarmement militaire sans instaurer la crainte d’une menace terroriste nécessitant une défense commune ? 

Voulant résorber la crise politique en unifiant autour d’un projet raciste, la loi immigration, basée sur les aspirations idéologiques de l’extrême droite, a finalement fragilisé davantage la majorité à l’Assemblée nationale. 37 députéEs LREM ont voté contre la loi et de nombreux départements ont annoncé ne pas vouloir l’appliquer et ont promu la désobéissance civile. Cette crise de la macronie signe aujourd’hui une victoire idéologique pour le Rassemblement national. Celui-ci en tire avantage pour étendre son influence dans l’espace médiatique et politique. Dans la rue, des groupes fascistes multiplient les apparitions et les attaques, surfant sur les discours médiatiques nauséabonds pour nourrir leur haine contre les musulman·es, les arabes et les Noir·es dans la plus grande impunité. Dans le même temps, des militant·es sont arrêté·es pour la seule raison d’avoir sorti un drapeau aux couleurs de la Palestine. 

Un gouvernement qui, dans sa crise, veut rester à l’offensive 

Macron l’a annoncé de ses vœux : il veut faire de 2024 une année de la détermination. Après s’être réjoui de la mise en place de la réforme des retraites, après une réforme de l’assurance chômage qui fait travailler gratuitement les plus précaires d’entres nous, le gouvernement veut réformer la sécurité sociale. Pour cacher ses mesures antisociales, l’inflation galopante, la hausse des loyers et la misère qui en découle, le gouvernement nourrit sans relâche la fiction du problème de l’immigration. La macronie, dans sa fragilité politique continue à nous précariser toutes et tous.  

Construire la riposte et contrer les mobilisations sans lendemains et les aspirations réformistes. 

Toutefois, l’ampleur de la crise de la macronie, tant dans sa politique intérieure qu’extérieure, pourrait nous permettre des victoires. C’est dans les périodes de crises et de guerres qu’adviennent les révolutions. Si nous déjouons les pièges du racisme et de l’islamophobie qui menace l’unité de notre classe. Si nous sommes en capacité de montrer un plan de bataille à la hauteur des enjeux, contre l’extrême droite, pour la libération de la Palestine et contre la misère et la hausse de l’exploitation, nous pourrons nous engouffrer dans la brèche ouverte et gagner face au gouvernement. 

Mais nous devons nous saisir de son manque de force politique et des crises produites par nos luttes et la conjoncture politique et économique. Nous devons faire reculer le gouvernement à partir d’une riposte d’ampleur contre sa loi immigration.  

La date du 14 janvier a été choisie comme journée de mobilisation nationale contre cette loi. Une journée ne sera évidemment pas suffisante. Mais elle déterminera la suite. Si les directions syndicales n’appelleront pas à la grève contre cette loi, nous devons les pousser en faisant une démonstration dans la rue de l’opposition de notre camp à cette loi raciste. C’est à partir de cette base que nous pourrons infléchir l’idée d’une simple mobilisation aux attentes réformistes en un plan de bataille conséquent face au gouvernement et à sa politique sur des bases antiracistes. Attendre l’avis du Conseil constitutionnel sur certaines mesures de la loi, ça veut dire lutter pour un racisme acceptable et déléguer la situation à des instances qui n’ont pas été des remparts face aux dernières mesures racistes. Il n’y a pas de racisme acceptable comme il n’y a pas de génocide acceptable. Ce plan de bataille doit commencer par une mobilisation d’ampleur contre la loi immigration de Darmanin-Ciotti-LePen, qui en attaquant les droits des étranger·es, les droits des sans-papiers, attaquent nos droits à tous et à toutes. Une forte opposition antiraciste à cette loi d’immigration est essentielle pour isoler le projet fasciste et déjouer toute victoire idéologique du RN. Cette lutte doit s’articuler avec une solidarité internationale, soulignant que le racisme est une arme vitale pour justifier les crimes en Palestine. Privé de son arsenal idéologique raciste et islamophobe, le gouvernement serait affaibli dans ses ambitions impérialistes, tant au Moyen-Orient qu’en Afrique. Les directions syndicales ne voudront pas sauter dans la brèche qu’ouvre la période de peur de se faire dépasser par le mouvement, mais si nous ne dépassons pas la simple journée de mobilisation du 14 janvier et les velléités réformistes, nous ne gagnerons pas et nous laisserons la victoire au Rassemblement national. Pour une riposte à la hauteur des enjeux, tous et toutes dans la rue le 14 janvier. La suite devra être construite à partir de là, par en bas, dans des assemblées générales, dans nos syndicats et dans nos quartiers. Faisons de l’antiracisme la base d’un mouvement d’ampleur dans la brèche de la crise de la macronie.

Anouk Brunet (Marseille)