Macron n’a décidément peur de rien. Alors qu’il se présentait comme anticolonialiste, il fait étalage de son armurerie devant Trump et se joue du surnom de B. Netanyahu. Il disait incarner le renouveau idéologique de la classe politique après les discours racistes de Sarkozy et Hollande, le voilà qui insinue que le retard accumulé par l’Afrique serait la dû à la fertilité des femmes africaines…
Cela n’a rien d’étonnant. Étant à la tête d’un État au sein duquel le colonialisme joue un rôle structurant pour le capitalisme français, son chef ne peut qu’être le relai principal de l’idéologie raciste et reproduire les discriminations qui en découlent à l’égard des migrantEs, des musulmanEs ou supposés tels des habitantEs des quartiers populaires.
Pourtant le degré des discriminations racistes varie au cours de l’histoire. Ces variations dépendent de trois éléments : de la trajectoire du capital, du rapport de forces du mouvement antiraciste et enfin du rapport plus global entre les classes.
Macron est parfaitement conscient de sa faible assise ; élu avec moins de 16% des suffrages, proposant des politiques des plus libérales, il va faire face à des confrontations de plus en plus violentes. La généralisation de la précarité, une hiérarchie des normes à jamais renversée rendant un pouvoir absolu au patronat, ou encore de nouvelles facilités de licenciement vont se trouver face à une forte opposition d’opinion que l’on espère voir se traduire dans la rue.
Une grande partie de la gauche radicale semble résolue à en découdre contre les ordonnances. La CGT appelle, sous la pression de larges franges de militantEs syndicalistes, à une journée de mobilisation le 12 septembre. La France insoumise a principalement axé sa campagne des législatives contre la destruction du Code du travail. Enfin, les assemblées de Nuit debout, les équipes syndicales combattives, les comités de mobilisation n’ont pas cessé totalement leurs activités. Cela laisse des possibilités importantes de voir naître un mouvement de grande ampleur à la rentrée contre les ordonnances.
Or, du point de vue de la classe dirigeante, la seule issue à court terme pour affaiblir les capacités de résistance de la population, pour tenter de regagner une hégémonie auprès des classes populaires, est bien le développement du racisme et du nationalisme, légitimant la mise en place de nouveaux outils pour réprimer. À ce jour, la flotte des identitaires anti-migrants n’a pas été condamnée, au contraire de nouvelles dispositions européennes ont été prises à l’encontre des associations de sauvetages en Méditerranée. Ce n’est donc pas un hasard si les ordonnances néolibérales concordent avec l’entrée des principaux points de l’état d’urgence dans la législation française.
L’an dernier, un million de personnes dans la rue le 14 juin après trois mois de mouvement n’ont pas suffi à faire reculer le vote FN. Bien que l’opposition au néolibéralisme se soit en partie incarnée par un fort vote Mélenchon, ce n’est malheureusement pas que sur des bases antiracistes qu’il a mené sa campagne mais bien sur le thème de l’amour du drapeau et de la souveraineté nationale. Lorsqu’un parti fasciste collecte 10,6 millions de voix à l’élection présidentielle alors qu’une grande minorité de la classe s’est mobilisée et qu’une immense majorité s’est déclarée hostile au projet de loi, la conclusion doit être limpide: l’élévation du niveau de conscience ne suffit pas à faire reculer le racisme, qui reste un outil pas seulement pour diviser la classe ouvrière, mais bien pour unifier une partie d’entre elle aux visions de la bourgeoisie.
La mobilisation contre le néolibéralisme peut être cependant une formidable opportunité pour faire fermer leur gueule aux racistes mais à condition d’y avoir une intervention consciente. Les dockers de Calais qui ont manifesté pour le démantèlement de la jungle ou les salariés de Whirpool qui ont tapé des selfies avec Marine Le Pen n’arrêteront pas d’être racistes uniquement parce qu’ils prendront la rue à nos côtés. Comment la gauche radicale pourrait se retrouver à la tête d’un mouvement majoritaire alors qu’elle répond aussi mollement aux oppressions racistes qui touchent 30% de notre classe au quotidien ? Quelles organisations appellent à manifester auprès des familles, des jeunes des quartiers, des lycéenNEs lorsque Théo se fait violer ? Qui revendique encore la liberté de circulation et d’installation des migrantEs ? Qui encore se joint à la communauté musulmane lorsqu’une mosquée se fait en grande partie dégrader par une perquisition choquante et infondée à Aubervilliers après les attentats ?
Ainsi, le seul rempart contre le racisme est la classe en mouvement qui agit pour soutenir les personnes en lutte contre les discriminations subies. Ceci à condition que l’intervention antiraciste dans la classe devienne une obsession. Nous ne devons pas laisser passer l’occasion de septembre. Mais pour cela il est absolument nécessaire que pas une AG sur les places, les lieux de travail ou les lieux d’étude n’oublie de voter des motions en soutien aux réfugiéEs. À l’heure où des résistances contre des licenciements islamophobes ont lieu dans la SNCF, la petite enfance et ailleurs, précarité et islamophobie doivent être combattues de pair. Les mobilisations de la jeunesse seront faites par des personnes qui ont vécu leurs premières expériences de mouvements en soutien aux lycéenNEs et étudiantEs sans papiers, contre les violences policières ou contre la répression et l’état d’urgence, il faut se battre pour que les courants voulant dépolitiser les mouvements ne noient pas cette avant- garde.
Le 10 septembre est une journée de mobilisation contre la législation de l’état d’urgence, la jeunesse mobilisée se doit par exemple de construire ces deux dates. Nous devons nous inspirer de début de convergence, comme entre des représentantes de collectifs contre les violences policières et le Front social par exemple, tout en amplifiant le rôle des personnes qui s’organisent pour combattre le racisme dans les mobilisations sociales.