Toi tu cherches, nous on te trouve !

Le 23 novembre dernier avaient lieu partout en France des manifestations contre les violences sexistes et sexuelles. C’est de cette mobilisation que se sont saisi·es les sionistes fascistes de Nous Vivrons et les fémonationalistes fascistes de Nemesis pour défiler en fin du cortège parisien, en criant des slogans génocidaires et racistes. Pour rappel, la stratégie de ces deux groupes est d’instrumentaliser le féminisme, et en particulier les féminicides, pour désigner en coupables, les palestiniens ou les migrants.

EDITO – Les Cahiers d’A2C #15 – DECEMBRE 2024

Face à leur présence, quelques personnes ont réagi pour essayer de les virer, mais les organisations antifascistes et féministes ont brillé par leur manque de réaction sur le terrain. Le présence de fascistes et de groupes d’extrême-droite auprès de nous n’est jamais acceptable et c’est notre responsabilité de ne jamais les laisser être présent·es.

Prendre au sérieux le danger fasciste

L’absence de réaction claire et directe ce 23 novembre est significative.

Elle dit la conviction, pour beaucoup dans notre camp, que le RN ne serait qu’un parti plus raciste, plus réactionnaire et plus autoritaire, et que son accession au pouvoir ne serait que l’exercice radicalisé des politiques déjà menées par le pouvoir actuel.

Si l’on pense au contraire, que le RN pourrait représenter une réelle possibilité pour le fascisme de conquérir le pouvoir en France, il faut agir en conséquence.

Et pour qu’il puisse émerger, voilà quelles en seraient certaines des conditions : d’un côté un parti, établi au niveau parlementaire, assez respectable pour que la classe politique au pouvoir envisage de gouverner à ses côtés, de l’autre la mise en place d’un mouvement de masse actif qui puisse offrir à la bourgeoisie une alternative décisive aux blocages du système pour maintenir sa domination.

Le RN veut incarner un tel parti, il gagne des sièges dans les mairies et à l’Assemblée, et se place comme arbitre de la politique du gouvernement avec la menace de la censure.

Le mouvement de masse par contre, n’existe pas encore aujourd’hui, et le RN cherche à le construire. Le fait que le cortège de Nemesis ait été préparé dans le château des Le Pen en est la preuve.

Alors c’est derrière cet objectif que doit se rassembler notre antifascisme : empêcher le mouvement de masse de se construire, et affaiblir le RN par sa base, dans la rue, dans les manifestations, partout où les fachos pointent leur nez.

Les fascistes prennent la confiance

La séquence électorale qui a suivi la dissolution et a permis au RN de devenir le premier parti à l’Assemblée Nationale avec ses 143 sièges, a donné la confiance aux fascistes. Depuis la rentrée on fait face à une offensive terrifiante.

La sortie du livre de Bardella lui offre invitations dans tous les médias et tournée de dédicaces dans toute la France qui réunit des milliers de ses électeurices et de ses fans.

Des groupes de presses ou des maisons d’éditions sont rachetées ou reprises par des figures comme Vincent Bolloré, Pierre-Edouard Stérin ou Lise Boëll, des figures d’extrême-droite. 

Les fascistes prennent la confiance et font des cortèges, comme à Paris le 23 novembre, ou à Romans-sur-Isère, où un an après la mort de Thomas à Crespol qui avait déclenché des attaques racistes et des défilés fascistes, l’extrême-droite a appelé à une manifestation nationale contre l’immigration.

En grève contre l’extrême-droite

Mais face à tout cela, des réactions par en bas nous montrent l’exemple et nous donnent la conviction qu’on peut encore gagner.

Pour commencer, MediaTransports, la régie publicitaire de la SNCF, a fini par annuler la campagne prévue par Hachette pour le livre de Bardella, sous la pression du syndicat SUD Rail qui jouait sur l’obligation de neutralité politique mais écrivait aussi noir sur blanc que le RN  « est un parti créé par des Waffen-SS » et rappelait « l’opposition totale des « valeurs » d’extrême droite de ce parti réactionnaire à celles de [leur syndicat] ».

Ensuite, c’est le groupe Bayard qui a abandonné la nomination prévue d’Alban du Rostu, ancien associé du milliardaire fasciste Pierre-Edouard Stérin, au poste de directeur de la stratégie, face à la grève des salarié·es et auteurices du groupe, soutenu·es par le syndicat du livre la CGT SGLCE qui a même affirmé dans son tract que « la grève est un puissant outil pour contrecarrer les ambitions de ces ultrariches fascistes ».

« Toi tu cherches, nous on te trouve »

Ces initiatives victorieuses sur des lieux de travail donnent de la force, mais il paraît important d’aller aussi regarder ce qui se passe dans la rue, et d’en tirer des conséquences.

À Romans-sur-Isère, en réaction à la manifestation d’extrême-droite, une inter-orga a appelé à une  manifestation « contre la récupération raciste ». Le bilan est positif numérairement puisque la manifestation antifasciste était quatre fois plus importante, mais insuffisant puisque 200 fascistes ont quand-même pu se réunir.

Partout où des signatures de Bardella sont organisées, à Sète, à Beaucaire, à Tonneins, à Marseille, à Bruxelles, des contre-rassemblements antifascistes ont été appelés et ont eu lieu.

À Marseille, la Riposte Antifasciste, collectif qui cherche à construire un antifascisme large et ouvert, a organisé le contre-rassemblement sous le mot d’ordre « Toi tu cherches, Nous on te trouve ». Malgré l’urgence dans laquelle l’organisation a eu lieu, la modalité a été d’appeler à une Assemblée Antifasciste la veille de la séance de dédicaces, pour permettre au plus grand nombre de rejoindre et de s’impliquer dès la veille.

Même si trop peu de monde s’est effectivement mobilisé, et que la séance de dédicaces a bien pu avoir lieu, il faut retenir de ce mode d’organisation qui passe par une assemblée ce qui paraît être les bases de ce que devrait être l’antifascisme : réactif, organisé par en bas, et l’affaire de toustes.

« L’antifascisme (…) doit être une invitation à nous organiser plus efficacement, à nous coordonner d’avantage » (communiqué du collectif Tsedek! suite à la manifestation du 23 novembre)

Maintenant, il va falloir passer à la vitesse supérieure et construire une unité d’action antifasciste.

Si la présence de Nemesis et Nous Vivrons dans une manifestation féministe est inacceptable, les contre-rassemblements sont insuffisants.

Les dédicaces de Bardella ne doivent tout simplement plus avoir lieu.

Les fascistes ne doivent plus défiler, que ça soit dans nos manifestations ou dans les leurs comme à Romans-sur-Isère.

Les fascistes s’organisent et gagnent du pouvoir, à l’Assemblée, dans la presse et l’édition, dans la rue, et dans nos propres syndicats. 

Alors si on veut continuer à pouvoir s’organiser, il faut faire de l’antifascisme une priorité simple et efficace , et se dire que, si on arrive à convaincre, on a les moyens de cet antifascisme

Convaincre nos syndicats de couper l’électricité quand une dédicace de Bardella ou un meeting du RN sont organisés.

Convaincre nos collectifs, féministes et antifascistes, qu’il faut nous préparer, dans chaque manifestation, à virer les fachos qui voudraient s’inviter.

Convaincre chacune de nos organisations, que si on ne construit pas aujourd’hui, un front antifasciste, avec des mots d’ordre d’action clairs, on le paiera demain.

Mais convaincre aussi que le fascisme ne cessera pas de se développer sans s’attaquer au racisme qui est son coeur, et donc de la nécessité prendre part et de renforcer toutes les luttes contre les frontières, l’islamophobie, les lois racistes, pour la libération de la Palestine ou la liberté de circulation.

L’antifascisme doit devenir l’affaire de toustes ! Même si la séquence électorale après la dissolution aura permis une mobilisation antifasciste inédite, par en bas, elle s’est concentrée vers le haut derrière le NFP, nous faisant croire que c’est par la voie électorale qu’on vaincra les fachos, et nous faisant oublier l’essentiel, c’est qu’on est plus nombreux·ses qu’elleux, et que c’est là qu’est notre force.

Il est temps de rappeler que l’antifascisme ne doit être ni une façade, ni une valeur, mais l’opportunité de bâtir une lutte offensive, qui fasse comprendre à chacun·e que pour éradiquer les rats, il faut s’attaquer aux égouts dans lesquels ils se développent.

Lou, Marseille