A la sortie d’un confinement qui a plus que jamais amplifié les inégalités, et après un remaniement qui expose clairement une culture du viol, nous sommes déterminé.es à dénoncer, revendiquer et soutenir les luttes.
8 mars 2020, une journée historique
Le 8 mars dernier, une semaine avant l’annonce du confinement, nous étions des milliers de personnes à manifester dans les rues de Rennes en réponse à l’appel du collectif Nous Toutes 35 (NT35). Une journée historique par le nombre, la détermination et les slogans !
5000 personnes scandant leur force et leur fierté d’être féministes, radicales et en colère. En colère contre les féminicides et les violences sexuelles, mais aussi contre les violences racistes et policières et contre le traitement réservé aux personnes migrantes et aux Musulman.es par l’État. “Ni patrie, ni patriarcat” ou encore « Solidaires au-delà des frontières”, les slogans et les banderoles déployées laissaient peu de place au doute : oui, depuis la manifestation historique du 23 novembre 2019, nous avons encore fait un pas en avant “pour permettre à un maximum de femmes qui subissent la sur-exploitation, le racisme, les violences sexistes et sexuelles… de s’organiser et de se mettre en action pour un mouvement féministe populaire”1Article du 2 décembre 2019 https://www.autonomiedeclasse.org/feminisme/noustoutes35-faire-face-massivement-aux-violences-patriarcales-en-portant-un-feminisme-pro-choix-cest-possible/.
Nous étions alors encore loin de nous imaginer que les mesures sanitaires imposées allaient remettre en question notre détermination à occuper la rue. Faisant suite à cette journée, une Coordination Nationale Féministe s’est créée au début du confinement afin d’imaginer et de construire un 8 mars 2021 toujours plus massif. L’envie, partant de Toutes En Grève 31, était de mettre en lien les différents collectifs et associations féministes sur l’hexagone. Des liens qui permettent de s’organiser ensemble sur des dates d’actions et manifestations communes. Aujourd’hui, cette mise en réseau nationale prend peu à peu forme, se concrétisant au fil des dates que nous décidons collectivement de marquer.
La première date d’action commune appelée par la coordination fût celle du 1er Mai pour la Journée de lutte des droits des travailleur·euses. Il y a eu des actions féministes sur les réseaux sociaux mais aussi dans les rues de différentes villes, malgré les risques de répression dans un contexte de confinement policier.
Il y a eu ensuite le 8 juin, journée de manifestation pour un déconfinement féministe à Rennes, avec deux actions. La première devant un hôpital public de Rennes pour réclamer plus d’argent pour la santé publique, plus de moyens et des conditions de travail dignes pour les soignant.e.s, et l’autre, un rassemblement qui est parti en manifestation sauvage dans le centre ville. À l’heure actuelle, nous préparons la date du 21 novembre, pour la journée de mobilisation contre les violences sexistes et sexuelles.
Remaniement et offensive réactionnaire du gouvernement
Le remaniement du gouvernement annoncé en juillet 2020 a suscité énormément d’indignation. En particulier les nominations de Gérald Darmanin, homophobe, partisan de la manif pour tous et accusé de viol, à l’Intérieur et Dupond-Moretti, ennemi avoué des féministes, à la justice, ont été vécues comme une déclaration de guerre. Le 10 juillet 2020 des centaines de personnes ont rapidement répondu à l’appel de NT35 pour exprimer leur colère dans la rue.
Une prise de parole du collectif affirmait notamment que “le gouvernement, avec le remaniement ministériel, nous a montré que la « grande cause du quinquennat » et la lutte contre les discriminations ne fait que l’objet d’un engagement de façade de sa part. Il a montré que la dignité et le respect des femmes, des personnes LGBTQI+ et des habitant.es des Outre-Mer sont moins importants à ses yeux que le maintien au pouvoir des oppresseurs. Le gouvernement nous confirme que la justice et la police continueront de protéger les violeurs et les harceleurs.”2NON AU GOUVERNEMENT PATRIARCAL, RACISTE, LGBTQIA+PHOBE ET COLONIAL, prise de parole NousToutes35 du 10 juillet 2020 Les manifestant.es sont ensuite parti.es en manifestation sauvage dans le centre ville.
Nous voici au paroxysme de la démonstration de la culture du viol. Quel message le gouvernement cherche-t-il à renvoyer à toutes les personnes subissant les violences patriarcales ? En tout cas, cette manifestation a renforcé la détermination du collectif à poursuivre sa mobilisation et à grandir.
Rentrée féministe et perspectives d’action
Le 8 septembre est la date nationale de rentrée féministe qui a été proposée par la coordination nationale. A Rennes, NT35 a décidé d’organiser une réunion large et ouverte de rentrée. Nos objectifs étaient d’être nombreux.ses, de penser concrètement la question de l’accueil des nouvelles personnes, le fait que nous sommes une organisation fourmillante qui se veut large et accessible. Aussi, le choix de se réunir dans un parc du centre ville répondait à deux enjeux : nous permettre d’être nombreux.ses en réduisant les risques de propagation du virus et occuper l’espace public en étant visible.
Cette réunion a débuté par un goûter afin de rencontrer les nouvelles personnes, suivi d’une présentation du collectif, de l’organisation interne et en réseaux, et des prochaines dates féministes.
Trois camions de police étaient présents au bout du parc du début à la fin de cette rencontre, chose qui ne se produisait pas avant le confinement et qui nous montre que nous dérangeons visiblement l’ordre établi. Cela a eu pour conséquence directe de nous freiner dans nos objectifs de se visibiliser avec des banderoles partout autour du parc et de partir en manifestation sauvage. Mais cette réunion a quand même attiré beaucoup de nouvelles personnes, nous étions entre 75 et 80 ! Concrètement, de nombreuses personnes ont commencé à participer aux réunions des différentes commissions et à prendre des tâches, contribuant ainsi à la construction du collectif et des prochaines échéances.
Nos perspectives d’action sont dans la même lignée que l’année précédente. Nous voulons la centrer sur une grille de lecture intersectionnelle et en soutien des luttes locales, avec une occupation de l’espace public et la réappropriation des rues avec pour but d’instaurer un véritable rapport de force.
Le collectif NT35 continue de soutenir Awa Gueye dans sa lutte pour que le meurtre de son frère par la BAC de Rennes ne reste pas impuni. Un rassemblement a eu lieu pour la reconstitution du meurtre de Babacar le jeudi 24 septembre 2020. Et rendez-vous le 5 décembre 2020 pour une grande Marche de Soutien.
Dans un contexte d’offensive sexiste et raciste du gouvernement, la lutte antiraciste doit rester une de nos préoccupations majeures. Cela inclut évidemment la lutte contre le régime des frontières. C’est pourquoi nous avons argumenté pour que le collectif NT35 participe à rendre le départ local de la Marche des Solidarités le plus massif possible, en incluant des prises de paroles de femmes exilées qui ont pu témoigner de la complexité de l’exil, des violences patriarcales et racistes qu’elles vivent le long du chemin.
Lors de la manifestation du 26 septembre 2020, nous avions proposé de parler des stérilisations forcées des femmes Ouïghours, pour encourager plutôt une thématique pro-choix et non pas seulement droit IVG.
Depuis la reprise de la circulation du virus, le collectif NT35 est traversé par des questionnements sur nos manières de lutter, de peur de participer involontairement à la propagation du virus et impacter les personnes dites « vulnérables ».
Mais comment poursuivre la mobilisation si nous ne pouvons pas nous rendre visibles dans l’espace public et dénoncer ce système mortifère et inégalitaire (que la crise sanitaire ne fait qu’accentuer) ?
L’occupation de l’espace public semble, alors, être une nécessité pour bon nombre d’événements politiques, en effet, pour toustes celleux qui n’ont pas la possibilité de choisir leurs modes d’actions, de par le caractère urgent de leur luttes : personnes exilées, sans papiers…
Le collectif poursuit sa réflexion sur ce sujet, car nous tenons à prendre en compte les différentes formes d’oppressions systémiques. Un groupe de travail s’est créé lors de la dernière réunion pour poursuivre cette réflexion.
Plusieurs camarades au sein de NT35 partagent le constat d’un danger fasciste omniprésent dans notre société. Une soirée « S’unir contre le fascisme » avait été organisée avec d’autres collectifs rennais un peu avant l’été. Nous avons été relancé.es pour poursuivre la réflexion et voir s’il est possible de créer une coordination anti-fasciste à Rennes. Les événements récents, avec la Manif pour Tous début octobre, un peu partout en France, mais aussi l’Action Française qui s’est réunie à Rennes démontrent d’ailleurs, une fois de plus, à quel point la lutte antifasciste est cruciale.
Nous avons des montagnes à franchir, mais les évènements de ces derniers mois, comme la manifestation suite au remaniement et la rentrée réussie du 8 septembre nous redonnent confiance dans la lutte. Dans des conditions actuelles difficiles, dans un contexte de crise économique et sanitaire, en pleine offensive réactionnaire du gouvernement, pouvoir se retrouver avec autant de personnes déterminées à lutter engendre de l’espoir et une force militante incontestable.
Aude, Mat, Yuna (Rennes)
Notes
↑1 | Article du 2 décembre 2019 https://www.autonomiedeclasse.org/feminisme/noustoutes35-faire-face-massivement-aux-violences-patriarcales-en-portant-un-feminisme-pro-choix-cest-possible/ |
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↑2 | NON AU GOUVERNEMENT PATRIARCAL, RACISTE, LGBTQIA+PHOBE ET COLONIAL, prise de parole NousToutes35 du 10 juillet 2020 |