Les Cahiers d’A2C #13 – juin 2024
Samedi 04 et dimanche 05 mai, des rassemblements ont eu lieu dans une cinquantaine de villes en France contre l’offensive anti-trans menée par la droite et l’extrême-droite depuis des mois. Cette offensive que nous abordions dans la revue #6 avec un exemple allemand11 – Pour relire l’article “Combattons les mouvements anti-trans, combattons le fascisme” publié en mars 2023, rendez-vous sur notre site internet autonomiedeclasse.org ou procurez-vous une revue #06 auprès de camarades de vos villes ou en nous envoyant un mail! a eu un moment d’apogée en France fin avril 2024, avec la préparation d’un projet de loi porté par Les Républicains et le Rassemblement National. Ce projet vise à interdire de transitionner aux mineur-es trans (voire avant 25 ans). En parallèle sur les médias, la sortie d’un immonde torchon de propagande par les deux militantes anti-trans les plus visibles et écoutées. Face à ça, un mouvement s’est organisé en 10 jours, sur la base d’une initiative prise par des activistes et influenceur·euses trans (Lexie Agrest, Morgan Noam et Sasha entre autres) et deux collectifs féministes et LGBT+ de Paris, Du Pain et des Roses et les Inverti·es.
Un appel a été rédigé et publié dans Politis après avoir récolté plus de 800 signatures. Des organisations politiques généralistes ont rejoint l’impulsion au fur et à mesure, dont des partis comme la France Insoumise ou des syndicats comme Solidaires ou la CGT. Des organisations locales ont répondu à l’appel et se sont organisées en très peu de temps pour que les 04 et 05 mai, des centaines, et en cumulant, des miliers de personnes se retrouvent dans les rues de toute la France pour se battre pour les droits des personnes trans et pour les droits reproductifs (avortement, PMA, etc).
C’est inédit dans l’histoire française. Jamais auparavant autant de personnes et d’organisations se sont réunies pour les droits LGBT, ici spécifiquement trans, en dehors de l’agenda des prides et dates spécifiques (Trans Day of Remembrance, ExisTransInter, journées de visibilité,…) qui régit le « mouvement“ LGBT depuis des années.
Cette impulsion politique forte est exceptionnelle de par ses objectifs politiques et le moment où elle intervient, mais aussi car elle est ralliée par des organisations qu’il est difficile de convaincre pour ce genre de combats considérés comme trop minoritaires pour valoir le coup, ou secondaires face à la lutte des classes.
Nous devons en profiter, et ne pas passer à côté de la brèche que nous ouvrent ces premières mobilisations pour nous organiser.
Dans la réaction à l’offensive anti-trans généralisée, il peut parfois être plus évident de crier des slogans contre, contre ces attaques qui nous blessent profondément, contre ces mots insoutenables au quotidien, contre ce massacre organisé de notre droit à exister et notre dignité. C’est ce qu’on a vu dans plusieurs rassemblements : une majorité de pancartes contre les militantes anti-trans, tournant en ridicule les deux autrices d’extrême droite et leur livre. Et ça n’a pas manqué : le soir même de la manif strasbourgeoise, elles se sont emparées de ces menaces pour perpétuer leur position de „victimes des méchant·es trans qui refusent la réalité de la biologie et les attaquent parce qu’elles disent la vérité“, qu’elles s’emploient à construire depuis plusieurs années maintenant. Si nos stratégies de lutte renforcent nos ennemis dans leur position et leur popularité politique, c’est qu’il faut en changer.
Continuons de lutter pour nous faire entendre et ne pas leur laisser le dernier mot. Et organisons nous ensemble pour essayer de trouver de nouvelles stratégies et contrer plus efficacement nos ennemis.
C’est pour cette raison, mais aussi parce qu’une lutte réactive et défensive s’épuise beaucoup plus vite qu’une lutte pour, une lutte offensive, une lutte convaincue de la nécessité de se battre pour nos droits, pour nous, pour plus, même quand rien ne nous menace. Nos revendications doivent être claires et s’étoffer dans le mouvement, dans la discussion. Il faut convaincre les personnes venues en manif ce weekend de rejoindre des collectifs, de s’organiser, de défendre un programme de revendications communes sur le long terme, il faut pousser pour ces revendications là où elles ne sont pas évidentes et où l’appel au suicide des transphobes comme on a pu le voir sur une banderole de la manifestation rennaise est à l’ordre du jour comme revendication politique visible.
La mobilisation en France est un moment exceptionnel qui n’a pas manqué d’attirer l’attention de collectifs et de personnalités trans suisses, belges, italiennes, anglaises, appelant à faire du lien au niveau européen. Le caractère inédit et excitant du début du mouvement ne doit pas nous empêcher de prendre le temps de construire. C’est en faisant des erreurs, en se questionnant sur la meilleure stratégie à adopter, en tissant des liens interpersonnels et inter-organisations sur la durée, en allant chercher des alliances partout où c’est possible que le mouvement pourra s’ancrer dans la durée sans s’essouffler, grossir, décrocher les droits qu’il revendique et mettre un uppercut bien mérité aux réactionnaires et aux fascistes qui nous piétinent depuis trop longtemps.
- Pour un changement de genre et de prénom à l’état civil sur simple demande à la mairie et sans passer par le tribunal,
- Pour un remboursement par la sécurité sociale de toutes les procédures d’affirmation de genre dans leur intégralité,
- Pour le libre choix de ces procédures sans autorisation de psychologues/psychiatres,
- Pour le droit à la PMA pour toutes les personnes trans,
- Pour le respect de la dignité et de l’auto-détermination de toutes les personnes trans, qu’elles soient enfants, noires, handicapées, grosses, folles, pauvres.
Ju Le Moal, Rennes
Notes
↑1 | 1 – Pour relire l’article “Combattons les mouvements anti-trans, combattons le fascisme” publié en mars 2023, rendez-vous sur notre site internet autonomiedeclasse.org ou procurez-vous une revue #06 auprès de camarades de vos villes ou en nous envoyant un mail! |
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