Samedi 30 septembre, près de 200 réfugiéEs soudanais en France, accompagnés de quelques soutiens, ont dénoncé lors d’un rassemblement place de la République à Paris la complicité du gouvernement français avec les autorités de Khartoum.
Dans un article paru sur SreetPress le 1er octobre, l’association La Chapelle debout livre le témoignage d’un jeune Soudanais remis aux mains de la police de son pays après avoir été expulsé de France : « la police française m’a confié à la police soudanaise. Celle-ci m’a mis en prison pour m’interroger ».
Des expulsions inhumaines et illégales
D’autres réfugiéEs évoquent les visites d’une mystérieuse « délégation soudanaise » sur les campements de migrantEs ou dans les centres de rétention administrative (CRA) : « Ils m’ont dit qu’ils faisaient partie d’une mission humanitaire. Ils avaient l’air bizarre, c’est pour ça que je suis resté méfiant et surtout silencieux ». Selon l’enquête de StreetPress, cette « mission d’identification » effectuée par des militaires soudanais dans plusieurs centres de rétention entre janvier et mars 2017 bénéficiait de l’aval des autorités françaises. Interrogé sur le sujet, le ministère de l’Intérieur ne dément pas. Il botte en touche en déclarant que « c’est un non sujet » ou « [qu’]il n’y a pas de rapport écrit ». Plus loquace, le Premier ministre belge Charles Michel, mis en cause dans une affaire similaire, dévoile que la France a livré 205 Soudanais à la dictature d’al-Bachir entre 2014 et 2016. Ces chiffres sont confirmés par l’agence de statistique européenne Eurostat.
Les autorités françaises coupables de complicité de crimes de guerre
Cet aspect peu reluisant de la collaboration du gouvernement français avec la dictature d’al-Bachir ne figure pas dans le « plan pour les migrants » rendu public le 12 juillet dernier. Depuis 2013, quatre millions de personnes victimes de la guerre civile au Soudan sud – où les armes affluent – ont été « déplacées », et plus de 300 000 y ont été tuées ! Quel sort aura t-il été réservé aux 205 Soudanais livrés à la police de leur pays ? Des témoignages précis démontrent que des opposants qui avaient été emprisonnés par la dictature pour leur engagement politique ont été expulsés vers le Soudan après avoir été identifiés par la « mission d’identification », mettant un terme au mythe entretenu d’une différence de traitement entre migrants « économiques » et réfugiés politiques.
Dusse-t-elle bousculer et heurter les agendas politiques des uns et des autres, la question des réfugiéEs et migrantEs constitue pour les anticapitalistes et antiracistes que nous sommes une question aussi urgente que centrale. Nous devons mener campagne pour faire cesser immédiatement le scandale des reconduites aux frontières et de la remise d’opposants politiques aux mains des dictatures.
Alain Pojolat, le 10 octobre 2017
Article écrit pour l’Anticapitaliste