Classe ouvrière israélienne, apartheid et lecture collective

Les Cahiers d’A2C #13 – juin 2024

Durant le mois d’avril, les antennes locales d’A2C Marseille, Toulouse et Paris choisissent d’arpenter l’article de Vanina Giudicelli « Pourquoi la classe ouvrière israélienne n’a pas intérêt à la fin de l’apartheid »1. On pourrait penser qu’il est autocentré de publier un article retraçant des lectures collectives d’arguments publiés dans le numéro précédent. C’est en réalité l’objectif inverse qui est recherché. 

La société capitaliste ne peut se reproduire sans une forte division du travail. Ainsi, l’école républicaine dissocie l’élève en apprentissage de l’étudiant en école d’ingénieur, l’usine sépare les tâches de l’ouvrier spécialisé de celles du contremaître, l’hôpital fragmente les outils du diagnosticien et ceux de l’aide-soignante, etc. En tant qu’activistes révolutionnaires, nous ne pouvons pas nous résoudre à ce que la théorie ne soit réservée qu’à une minorité de militant·es. 

Aussi, nous avons fait le choix de développer des arpentages lors desquels nous lisons collectivement et en petits groupes un des articles publiés dans notre revue. Pour Paris, Il s’engage alors un débat dans des groupes de 3-4 camarades,  puis des échanges en plénière avec les 18 personnes présentes. Près de la moitié ne cotisent pas à A2C et pour beaucoup sont impliquées dans les collectifs d’Urgence Palestine 18ème, 20ème ou dans le Collectif Montreuil Palestine. 

Rendre compte ici de ce travail d’élaboration répond à trois objectifs : convaincre de la nécessité des idées de toutes et tous pour former une intelligence collective, favoriser autant que possible des retours auprès de celles et ceux qui nous lisent et enfin que Les Cahiers pour l’Autonomie de Classe puissent devenir un outil de débat avec les activistes avec lesquels nous luttons. 

L’apartheid et les colonies de peuplement, une spécificité israélienne ?

L’article relatif à la classe ouvrière israélienne défend cette idée qu’au sein d’une colonie de peuplement comme l’État d’Israël, l’unité de classe entre les populations colonisées, les Palestinien.nes, et occupantes, les israélien.nes, est illusoire. En raison même de leurs conditions de développement et d’existence, les travailleu.se.rs israélien.nes en viennent à se comporter comme des colons. 

Cette idée reprise aux militants marxistes Israéliens Moshe Machover et Akiva Orr a fait débat lors de nos échanges collectifs. Si chacune des trois discussions est en soit un contexte propre, un certain nombre de questionnements sont revenus systématiquement lors de ces trois arpentages. En quoi l’occupation de la Palestine diffère-t-elle des formes de colonisation qu’a imposées la France aux populations autochtones ? Peut-on dresser un parallèle entre le processus ayant abouti à la création et au développement de la nation israélienne, et l’histoire de la formation des Etats-Unis d’Amérique, qui s’est grandement appuyée sur le colonialisme de populations venues d’Europe ou sur un génocide de près de 60 millions d’indigènes? 

L’exploitation des pays du Sud profite-t-elle aux classes ouvrières du nord ? 

Cela amène à une deuxième question : lorsque l’on est exploité·e aux USA ou en Europe, tire-t-on profit de l’exploitation des personnes subissant le racisme dans ces pays ? En dehors des frontières nationales, tire-t-on profit de l’exploitation des populations et des ressources soumises aux impérialismes de nos Etats et des multinationales ? À partir de cette hypothèse comment comprendre que certaines luttes ou révolutions nationales aient été largement soutenues par les classes populaires de pays colonialistes (Algérie, Vietnam, Irak…) ? 

C’est en repartant des théories de Marx que nous avons de nouveau abordé cette question des rapports impérialistes et de l’unité des prolétaires de tous les pays lors de notre dernier week-end de formations et de débats. 

De ces questionnements découlent une multitude d’arguments, de contre-arguments, d’incompréhensions, de demandes de clarification… C’est d’abord cela qu’a permis cet article et ces arpentages dont nous rendons compte. Ils ont forgé un chaînon nous conduisant à celui d’après avec un seul objectif : forger une intelligence collective avec l’ensemble des militant·es d’A2C, ou pas, qui construisent la riposte au génocide en cours et tiennent des positions sans concession dans l’ensemble des fronts sur lesquels nous luttons. 

Alors n’hésitez plus, lecteurs et lectrices de toutes les contrées, contribuez! 

Gaël Braibant (Montreuil)
  1. Les cahiers de l’autonomie de classe #13, mars-avril 2023 ↩︎
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