Les Cahiers d’A2C #05 – noveMBRE 2022
Romans
La Vie têtue, Juliette Rousseau, éditions Cambourakis, collection Sorcières, 2022.
« Dire l’amour et les violences, les faire tenir ensemble. Ne renoncer à rien, ni à parler, ni à aimer, Voilà la véritable épreuve. »
Cet écrit, ce sont les mots de Juliette Rousseau qui parle à sa sœur décédée. L’auteure met en lumière ce qu’il y a de commun, très souvent, dans les histoires familiales des femmes, elle dépose des mots sur les maux de plusieurs générations, de nos grands-mères, à nos sœurs, nos filles, et nous-mêmes.
Ce livre est également traversé en filigrane par le deuil, le deuil d’une sœur d’abord, puis le deuil d’un environnement rural qu’elle avait connu dans son enfance aujourd’hui bouleversé par les industries et l’agriculture industrielle.
Juliette arrive à toucher, très vite, parfois de cette émotion qu’on a du mal à décrire.
Aude Pointier, Nantes
Les Dépossédés, Ursula K. Le Guin, 1974.
« La société odonienne était conçue comme une révolution permanente, et la révolution commençait dans l’esprit pensant ».
D’un côté des révolutionnaires anarchistes, les odonien·nes, qui ont construit une société sans classe, sans patron, sans État, ni armée, ni frontière dans laquelle les humains vivent en communauté sans mariage ni famille. Ils et elles habitent sur la lune Anarres, aux faibles ressources naturelles et au climat inhospitalier.
De l’autre, les habitant·es de la planète Urras, autour de laquelle gravite la lune Anarres et qui vivent dans des sociétés de classes dominées par le capitalisme avec ses États-nations, ses frontières, ses patrons, ses armées et, comme sur la Terre, la majorité des habitant·es y sont exploité·es et opprimé·es. Même celles et ceux qui habitent Thu, un des États-nations d’Urras, qui avaient démarré la révolution avec les odonien·nes mais ne sont pas allé·es jusqu’au bout.
Quand l’histoire des Dépossédés démarre, les odonien·nes ont quitté Urras depuis 200 ans et Ursula K. Le Guinn propose de découvrir ces deux mondes qui ne se connaissent plus, séparés par l’espace et des murs qui entourent les stations spatiales qui les connectent. On suit les aventures d’un physicien, né sur Anarres où il a passé toute sa vie, qui va se rendre sur Urras. Il vient de faire une invention, un outil qui permet de communiquer de manière instantanée quelque soit la distance.
Mathieu Pastor, Paris 20e
Subtil Béton, Les aggloméré·e·s (collectif), éditions l’Atalante, 2022 (subtilbeton.org)
L’insurrection de 2037 a été vaincue, la répression entraîne la grande Dispersion. Il faut maintenir l’espoir et reconstruire la confiance en la possibilité de changer le monde pour relancer le mouvement social. Construit à partir des travaux d’un atelier d’écriture itinérant, féministe en non mixité meufs-gouines-trans, Subtil Béton est un roman d’anticipation militant, féministe, qui posent des questionnements qui parcourent nos luttes actuelles et invente une écriture collective et non viriliste.
Thomas, Bobigny
Essais
Penser le monde contemporain avec Grégoire Chamayou
Philosophe et éditeur de la collection Zone à la Découverte, les ouvrages de Grégoire Chamayou nous aident à comprendre le monde contemporain. Après une sorte de trilogie, initiée par son premier livre, issu de sa thèse1Les Corps vils. Expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe siècle et XIXe siècle, La Découverte, 2008), et poursuivie par ses deux ouvrages suivants2Les chasses à l’homme et Théorie du Drone, à La Fabrique en 2010 et 2013 dont le thème central, qui parcourt ces 3 essais, est celui de l’exclusion d’une partie des humain·es de l’humanité même et la création d’une humanité à deux vitesse, les deux derniers livres de Grégoire Chamayou3La Société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire, La Fabrique éditions, 2018 et Du libéralisme autoritaire. Carl Schmitt, Hermann Heller, traduction, présentation et notes de Grégoire Chamayou, Zones, 2020 s’intéressent aux théorisations qui vont conduire à la mise en place du libéralisme autoritaire. Appuyés sur une méthodologie qui emprunte à la fois à Foucault (la généalogie) et à Canguilhem (traiter en philosophe des sources extérieures à la discipline) et armés de solides références marxistes, les écrits de Grégoire Chamayou s’avèrent indispensables pour penser la période actuelle.
Thomas, Bobigny
CD
Neither Washington nor Moscow…, Redskins, London music, 1986
London Music a eu la bonne idée de rééditer le premier, seul et cultissime album des Redskins, originellement sorti en 1986. Composé de militants du Socialist Worker Party britannique, Redskins affiche clairement la couleur (rouge, évidemment) dès la superbe pochette, un marin Bolchevik en photo principale, barré par le célèbre slogan de International Socialism Tendency : « Ni Washington ni Moscou … Mais le socialisme international ! » Les titres et les paroles des 12 titres sont dans la même veine : Kick over the statues (« détruit les statues ! »), It can be done (« on peut le faire »), Go get organized (« va t’organiser »),…. et respirent le soutien à la grève des mineurs.
En même temps un peu normal quand Tony Cliff (fondateur du SWP) est crédité à la « bootleg propaganda » ! Côté musique, on a à faire à de la Power Soul (de la soul mâtinée de punk rock) du meilleur effet que certain ont qualifié de « Modern Soul Classic » !
Thomas, Bobigny
Notes
↑1 | Les Corps vils. Expérimenter sur les êtres humains aux XVIIIe siècle et XIXe siècle, La Découverte, 2008 |
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↑2 | Les chasses à l’homme et Théorie du Drone, à La Fabrique en 2010 et 2013 |
↑3 | La Société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire, La Fabrique éditions, 2018 et Du libéralisme autoritaire. Carl Schmitt, Hermann Heller, traduction, présentation et notes de Grégoire Chamayou, Zones, 2020 |