En 2012, Mathieu Rigouste présente une généalogie de l’institution policière en France, pour comprendre ce qu’elle est aujourd’hui et sa structuration sur des bases coloniales, racistes et de classe.
La guerre d’Algérie est terminée, mais l’héritage colonial continue de structurer la police. De 1930 à aujourd’hui, les différentes brigades de police n’ont de cesse de réprimer les communautés ne correspondant pas pleinement à la figure hégémonique de référence, construites politiquement et médiatiquement comme ennemies de l’intérieur.
L’héritage colonial de la police
En 1930, La Brigade nord-africaine (BNA) voit le jour, gérée par un grand nombre d’administrateurs coloniaux et des fonctionnaires en poste en Algérie. Cette brigade vise le contrôle des populations algériennes en hexagone, tout en surveillant les membres de groupes décoloniaux. L’idée étant d’agir par rafles et raids dans les quartiers dits « musulmans » de Paris. Cette brigade a été dissoute, à la Libération, pour des faits de collaboration avec la Gestapo.
La répression de l’État se poursuit avec la création des Brigades des Agressions et Violences (BAV), en instaurant un climat de tension constant, en circulant dans les quartiers dits « criminels ». Cette brigade n’est que le prolongement ouvertement raciste de la première puisqu’elle tirait systématiquement sur toutes les personnes perçues comme Algériennes et leur semblant menaçantes.
En 1970, après des centaines de crimes policiers, après l’assimilation des techniques contre-insurrectionnelles développées pendant la bataille d’Alger, nous voici aux prémisses de ce qu’est la Brigade anti-criminalité (BAC) d’aujourd’hui.
En parallèle de cela, les travailleur·euses étranger·es – essentiellement issu·es des colonies – sont méprisé·es et toujours recruté·es au plus bas coût. Des foyers Sonacotra aux « bidonvilles », jusqu’aux cités d’aujourd’hui, c’est le même combat. Ces quartiers dits « criminels » ne sont en fait qu’un outil politique d’altérisation, et d’exclusion du « prolétariat ségrégé ».
Fabriquer le crime pour s’attaquer aux pauvres
La répression policière se maintient et est légitimée par un cadre politique et législatif de contrôle de plus en plus sécuritaire.
La lutte contre le crime semble alors secondaire, quand il s’agit finalement d’attiser et de susciter le délit mineur pour maintenir l’ordre social établi, avec pour objectif l’incarcération massive. Une organisation qui tente de dissimuler les profondes inégalités sociales en criminalisant et en stigmatisant les personnes précarisées, plutôt que de mettre en place des moyens pour améliorer leur quotidien.
Ajoutons à cela, l’utilisation d’armes de guerre dans les villes, et nous voici face à des forces de l’ordre qui répondent bien à leur rôle de gardiens de la peur.
Abolir la police
La police est une institution étatique, qui a pour but de maintenir l’ordre et des rapports économiques et sociaux, profondément inégalitaires, et est, donc, de fait, contre-révolutionnaire. La domination policière est née d’un processus de déshumanisation et de criminalisation globale, de celleux qui diffèrent de la norme masculine blanche hétéro-patriarcale et bourgeoise. Elle s’institue dans un contexte économique, politique et social où la violence fait système, où nous intériorisons la violence des rapports d’oppressions comme la norme.
Tout est construit pour que nous prenions peur à l’idée d’un autre imaginaire politique… Une vie sans prison et sans police s’imagine dans une société où les rapports systémiques seraient tout autres. La justice, et l’égalité, la vraie, ne devrait pas être un espoir, mais une évidence. Je ne vois alors aucune autre option que celle de l’action, pour transformer l’ADN, les racines même, de notre société.
Aude (Rennes)