Le collectif auto-organisé des personnes sans papiers de Rennes voit le jour !

Suite à la participation au deuxième week-end national de la Marche des Solidarités de janvier 2025, le collectif des personnes sans papier se créé : le collectif des Immigrés Abandonnés et Mineurs Isolés de Rennes !

Personne ne pourra lutter à la place des personnes sans papier, mais tout le monde devra lutter ensemble. Le week-end national organisé par la Marche des Solidarités nous a à tous remis les idées au clair sur comment continuer la lutte contre le racisme à Rennes : l’auto-organisation est vitale !

Les Cahiers d’A2C #16 – mars 2025

Contexte et départ collectif au WE de janvier 

Il faut savoir qu’à Rennes, aucun collectif de personnes sans papiers n’existait encore. Il y a eu, ces dernières années, plusieurs collectifs qui ont émergés (collectifs des exilé•es de Rennes, les femmes exilées, le syndicat des sans papiers1) que je ne détaillerai pas ici mais qu’il serait intéressant dans un prochain article. 

Actuellement, deux gymnases sont occupés par plus de 300 personnes qui sont menacées d’expulsion à la fin de la trêve hivernale du 31 mars. L’inter-organisation de soutien aux personnes sans papiers est une des principales organisations en lutte auprès des personnes sans papiers (elle regroupe différentes associations, collectifs, et un membre de la CGT). Elle se mobilise notamment sur le soutien matériel, l’ouverture de lieux et propose des assemblées dans les gymnases.

Je fais partie de l’assemblée Rennes Sud Mobilisé contre le racisme (RSM)2 et en novembre, lors d’une assemblée au Polyblosne, lieu associatif du quartier, ce sont ces personnes qui, expulsées des parcs, sont venues et ont occupé le lieu quelques jours. Puis deux gymnases ont été ouverts (ceux actuellement) et le lien avec les militants de RSM a continué à se renforcer. Pendant notamment l’organisation de la journée du 18 décembre, Journée nationale de lutte pour les droits des personnes migrantes (banderole, départ commun, manifestation, cortèges communs).

En décembre, je suis allée à un des rassemblements devant la Gaité Lyrique organisé par les jeunes en lutte3. Je me suis dit : il faut absolument qu’un maximum de personnes les voit pour y croire, pour croire que la lutte est possible et qu’elle peut être puissante. Les vidéos ça ne suffit pas. Je suis revenue avec des paillettes dans les yeux et une envie : faire passer le message des jeunes qui disent que l’auto-organisation n’est pas une option mais une condition pour gagner.

En janvier, un deuxième week-end national de la MDS s’organise. Lors du premier week-end national de septembre, un départ avait déjà été organisé par des militant·e·s de RSM. Je me suis dit : il faut absolument y retourner.

La nécessité de l’auto-organisation nous a tou·tes convaincu 

Nous sommes deux camarades d’A2C faisant partie de l’assemblée RSM à avoir organisé un départ de Rennes avec pour objectif de proposer au maximum de personnes des gymnases à venir. Grâce aux contacts existant via RSM et l’inter-orga, 7 personnes des gymnases se sont rejointes à nous. Grâce à leur détermination à vouloir participer aux ateliers de cet événement, nous étions finalement 9 personnes (dont  4 femmes) à répondre présent•es à ce départ ! 

À la participation des différents ateliers, nous avons été impressionnés par le niveau de politisation des jeunes présent•es au week-end. Chaque prise de parole etaient claires sur l’état de la situation et sur comment agir : personne ne pourra lutter à la place des personnes concernées, et tout le monde devra s’y mettre. Pour s’engager dans la lutte, il faudra être convaincu qu’on peut changer les choses grâce à soi-même et collectivement.

Les 7 camarades avec qui nous sommes venu•es ont verbalisé dans le retour en voiture tout ce que ces rencontres ont permis de comprendre : la nécessité d’inverser la situation à Rennes, de s’organiser, de créer un collectif, de décider ensemble, d’imposer leur parole, leurs revendications, de prendre les devant et de casser l’immobilisme dans lequel les associations et les soutiens les maintiennent. Et que la lutte ne se fera pas séparément mais bien ensemble.

Les objectifs étaient clairs : créer un groupe WhatsApp sans nous [les trois soutiens du groupe pour organiser le départ] et organiser une rencontre entre les occupant•es des deux gymnases pour proposer la  création d’un collectif auto-organisé. Comme a dit un camarade « il va falloir battre le fer tant qu’il est chaud ». Ça nous a frappé en rentrant à quel point le gymnase est invisible, isolé et que ce qu’il va falloir faire, c’est faire sortir des murs la réalité, se rendre visible et faire…. des Gaités Lyriques partout !

Le collectif se crée !

Dans les jours qui suivent notre retour, nous nous retrouvons pour faire un bilan et pleins de choses sont exprimées : la force que nous ont donné les camarades en lutte des autres villes, l’impasse dans laquelle les assos coincent les occupant•es en promettant des solutions individuelles, le paternalisme de certains soutiens et la nécessité de l’auto-organisation.

Une assemblée était proposée par l’inter-orga le dimanche suivant dans un des deux gymnases : les camarades leur ont demandé de décaler cette AG pour leur permettre de s’auto-organiser et de proposer à la place la création d’un collectif. L’assemblée organisée par et pour les occupantes a réunis une soixantaine de personne et a permis, d’une part, de réunir beaucoup plus de personnes concernées que les assemblées organisées par l’inter-orga, et d’autres part, d’impulser une dynamique commune (cette demande a été directement acceptée et comprise par les membres de l’inter-orga, qui, par ailleurs, sont convaincu•es de la nécessité de l’auto-organisation des premières concernées).

« Le collectif a bel et bien vu le jour. C’est une nouvelle page qui vient de s’ouvrir. Désormais ce sont nos voix qui parleront et revendiquerons nos droits avec l’appui de toustes les militants. » nous a écrit un camarade le lendemain.

Construire, s’organiser, lutter !

Rien n’est encore gagné. Comme l’ont dit Fousseini et Mathieu dans l’article Laissez parler les jeunes4 : « le premier obstacle à la lutte, il est en nous ». « Si tu veux t’engager dans une lutte il faut que tu sois convaincu que tu peux la gagner et que tu sois convaincu que c’est un choix que tu as fait, un choix réel que tu as fait avant de t’y mettre, sinon tu vas juste attendre les actions de tes camarades. »

Les objectifs seront de construire largement la date du 22 mars, journée internationale contre le racisme, appel national de riposte lancé par la Marche des Solidarités. D’ici là, soutenir les camarades dans la construction de leur collectif, lutter ensemble, apporter un soutien matériel et politique, aller à la manifestation régionale Pour une Bretagne Ouverte et Solidaire, contre l’extrême droite et pour la justice sociale du dimanche 2 mars à Lorient. Tout reste à construire mais l’espoir est immense.

Mathilda Demarbre, membre de Rennes Sud Mobilisé et Hafiz Moussa, membre du collectif des Immigrés Abandonnés et Mineurs Isolés de Rennes pour sa relecture.
  1. Voir l’article « La lutte contre les frontières et la création d’un syndicat de travailleur·ses sans papiers à Rennes » ↩︎
  2. Voir l’article « Un quartier contre le fascisme : Rennes-sud » ↩︎
  3. Voir l’article « La rafle des jeunes du parc de Belleville » ↩︎
  4. Voir l’article « Laissez parler les jeunes ! » ↩︎