Grèves : c’est reparti ?

« L’absence actuelle de perspectives « par en haut » due au blocage parlementaire sera favorable aux initiatives « par en bas ». Des luttes vont avoir lieu qui seront autant d’opportunités pour développer des sections syndicales de combat et des organisations de base. »

C’est l’hypothèse que nous avions faite cet été après la séquence électorale. Les analyses ne valent et ne donnent une boussole que si elles sont confirmées par les faits.

Est-ce le cas ?

La seule chose qu’on peut dire c’est que cette hypothèse n’est pas invalidée par les faits.

Il n’existe pas de données globales sur le niveau et les caractéristiques des grèves en instantané. Les seules données administratives (celles de la DARES), par ailleurs limitées, n’apparaissent qu’avec un délai de deux ans (nous disposons actuellement des chiffres pour 2022). 

Les seules organisations qui auraient un réseau d’implantation suffisant pour produire ce type de données (les syndicats) ne le font pas. 

La seule base dont nous pouvons disposer est de recenser – sur internet – des articles de presse de journaux locaux. Mais il faudrait qu’elle soit systématique sur la multiplicité des sources et surtout sur la durée. Est-ce que le nombre de grèves locales actuelles est plus important qu’il y a deux mois, un an ?

Néanmoins ce qu’on peut en tirer :

  1. Les analyses dominantes – notamment à gauche – sur la faiblesse du mouvement social venant expliquer les offensives du pouvoir, la montée de l’extrême droite etc., sont plus des prétextes que la réalité. Il suffit de taper « grève » et l’onglet « actualités » sur google pour voir défiler des exemples de grèves.
  1. Jusqu’à la mi-décembre ces grèves sont très localisées et touchent – pour la quasi-totalité – un seul établissement.
  1. Il ne semble pas que ce soit l’étiquette syndicale qui compte. A Décathlon c’est la CFDT qui lance un processus de grève, idem à Vannes dans les bus ou à l’usine Oxymontage dans le Finistère. C’est FO pour les cantines scolaires à St Denis, la CGT à l’usine métallurgique de Fives Cryo en Lorraine ou au Centre de gérontologie de La Rochelle. Là où plusieurs syndicats existent c’est l’intersyndicale qui est impliquée.
  1. Tous les secteurs et territoires, public comme privé, sont touchés. Cela est lié aux thématiques de grèves dont la nature est économique : salaires, conditions de travail et refus des licenciements. A Mandelieu-la-Napoule et Théoule-sur-Mer en PACA une filiale de Véolia est en grève illimitée depuis le 29 novembre. A Evry-Courcouronnes le Lycée Georges Brassens s’est mis en grève pour obtenir des embauches. Depuis le 1er octobre les sapeurs-pompiers du Rhône sont en grève illimitée sur la question des effectifs. L’Institut de cancérologie (Angers et St Herblain) s’est mis en grève le 27 novembre sur les salaires et conditions de travail.
  1. Il y a cependant des secteurs où les mobilisations sont aussi liées à des aspects généraux :
  • Restructurations et suppressions massives de postes dans les secteurs de l’automobile et de la distribution.
  • Conséquences différées des processus d’ouverture à la concurrence dans le secteur des transports régionaux. Les grèves sont multiples sur tout le territoire sur les lignes de bus par exemple : réseau Cap-Cotentin (Manche) le 28 novembre, Moulins (préavis pour le 6 décembre), Laval les 28 et 20 novembre, plusieurs lignes en Loire-Atlantique fin novembre, préavis pour décembre à Vannes, plusieurs semaines à Cergy et Conflans. Ca peut être le cas aussi pour le secteur de la santé.
  • Effets des coupes dans les budgets des régions. Les agent·es du Conseil départemental de la Haute-Garonne étaient en grève le 26 novembre et ceux et celles des Missions locales des Pays de Loire le 28.

Ce climat a sans doute joué un rôle dans l’appel à des mobilisations plus globales par les directions des syndicats.

Le 3 décembre les agent·es de l’Assurance Maladie seront en grève. Le 5 décembre les syndicats de la Fonction publique, l’éducation et l’énergie appellent à une journée de grève. Le 11 décembre les syndicats des cheminots appellent au démarrage d’une grève illimitée. Et le 12 décembre la CGT, par la voix de Sophie Binet, a appelé les salarié·es (du privé) à une journée de grèves et d’occupations contre les plans de licenciement et pour l’emploi.