Le week-end du 7 et 8 avril s’était tenue la Coordination Nationale Étudiante (CNE), malgré une interdiction de la présidence matérialisée par le refus d’octroyer une salle. Malgré cet obstacle, la CNE se déroule et débouche à l’occupation d’une salle dans la « barre » des sciences sociales. C’est le lundi 9 avril que tout a « dégénéré ». La présidence décide de fermer l’intégralité des bâtiments (Bibliothèque Universitaire comprise) à clé, sous prétexte de l’occupation d’une partie de la fac, par ailleurs bloquée par des étudiant-e-s mobilisé-e-s contre la loi ORE. Ceci a alors conduit à exaspérer une partie des étudiant-e-s et à faire monter un sentiment de colère à l’égard des étudiant-e-s mobilisé-e-s. Face au maintien de l’occupation et du blocus, le président prend alors une décision qui a totalement bouleversé la donne : il fait appel à la police pour déloger les occupant-e-s (CRS et BAC). Face à l’arrivée de la police, les occupant-e-s se réfugient sur le toit. La raison ? Seul le GIGN (alors absent de la fac) est habilité à intervenir sur les toits. Des usagers de la fac se rassemblent alors devant le bâtiment où s’étaient réfugiés les étudiant-e-s, séparés du bâtiment par un cordon de CRS. Puis, après plusieurs heures, il est décidé que la police se retire en échange du départ des occupant-e-s du toit. Une fois la police partie et que le danger semble écarté, les personnes mobilisées décident de se réunir à l’intérieur de la fac pour tenir une assemblée générale afin de discuter de la situation. C’est alors que la police intervient une 2nde fois et entre dans la fac, s’en prenant à l’assemblée générale des professeurs, condamnés à assister impuissant à un déferlement de violence policière sur les étudiant-e-s. Une professeure parvient à contacter Jean-François Ballaudé, président de l’université, afin de lui rapporter ce qui se déroulait alors. Ce dernier, alors informé de la situation, n’a pas daigné lever le petit doigt pour faire cesser l’intervention policière. 7 personnes ont alors été placées en GAV. Le soir même, un rassemblement a lieu devant le bâtiment de la direction, exigeant des explications, la libération des gardés à vues et la démission de la présidence. Puis, un départ est organisé vers le commissariat de Nanterre en soutient aux camarades.
Cette journée aura marquée un tournant dans la massification et l’hyper-politisation du mouvement dans la fac. Le lendemain, une AG contre la répression est organisée et réunit plus de 650 personnes. S’ensuit un départ vers le commissariat (500 personnes). Puis l’occupation du bâtiment de la direction avec une AG. Face à cette situation, la présidence se voit contrainte de s’expliquer (par mail) et d’octroyer un bâtiment pour l’occupation. Jeudi s’est tenue la 1ère AG depuis celle de mardi. Essoufflement ? Plus de 800 personnes réunies en réaction à la loi ORE mais également contre l’État répressif. C’est un saut qualitatif : contrairement aux mouvements précédents qui essuyaient une répression légitime car institutionnelle aux yeux des personnes non-mobilisées, la répression a constituée une délégitimation d’un État réglant le débat au tonfa. Les discussions en et hors AG tournent autour de la loi ORE et de la répression du mouvement social.
Cette situation à Nanterre apporte alors des conséquences sur l’analyse de la situation actuelle. Tout d’abord, cela confirme une analyse faite à la suite des résultats du 2nd tour des élections présidentielles : au vu de la faible adhésion du corps électoral au projet du vainqueur (abstention massive, important vote FN) le gouvernement est un gouvernement faible et fragile. L’hostilité du monde universitaire face à l’exercice du « monopole de la violence légitime » en est la preuve. On peut aussi conclure de cette situation que la répression opère contre toute attente à un renforcement du mouvement. La peur a laissé la place à la solidarité. Les anti bloqueurs sont délégitimés car assimilés à des partisans de l’intervention de la police. Et surtout, une amélioration qualitative du mouvement s’est opérée. Ce n’est plus que la loi ORE qui est la cible du mouvement mais on pourrait dire la loi ORE « et son monde », et l’appareil répressif de l’État. Cette situation donne un boulevard au mouvement social. Les étudiant-e-s, personnels, professeurs sont demandeurs de discussion et d’action face à cette situation. Cependant, un autre boulevard s’est ouvert. Car si le mouvement se renforce face à la répression, celle-ci est tout de même bien réelle et n’est pas à négliger. Les groupes fascistes se sentent pousser des ailes et se retrouvent parfois comme à Strasbourg épaulés par la police dans leurs actions visant à briser le mouvement étudiant sur les facs. C’est pourquoi il est urgent de créer un front antifasciste et antiraciste afin de faire face aux attaques. Notre mouvement doit porter les revendications syndicales premières (retrait de la loi ORE) et s’opposer aux interventions policières et fascistes pour répondre à la situation actuelle.
Adrien H